Ce mardi 5 avril débute le lancement du dispositif gouvernemental « Mon Psy », annoncé par Emmanuel Macron en septembre dernier. Il prévoit le remboursement par la Sécurité sociale de huit séances chez le psychologue pour tous citoyens français âgés de plus de trois ans. Conditions, organisation, accessibilité pour les personnes en deuil… On vous explique.
Quel prix pour une santé mentale stable ?
Si la crise sanitaire du Covid-19 a incité à lever un peu plus le voile sur le sujet si tabou de la santé mentale, le constat actuel des pathologies mentales observées chez les Français reste tout de même inquiétant. En effet, 40% à 60% des personnes touchées par un trouble mental ne sauteraient pas le pas de la prise en charge, selon une étude menée par la Mutualité française. Cause directe de cette réticence : le tarif. En novembre dernier, ce sont 47% des Français, soit presque la moitié de la population, qui indiquaient que le prix d’une séance chez le psychologue est l’obstacle principal à la consultation.
Avec le dispositif « Mon Psy », le gouvernement propose un accompagnement psychologique de huit séances chez un psychologue partenaire. Ces séances sont disponibles pour toutes personnes âgés de plus de 3 ans et en possession d’une prescription médicale. Le montant de la première séance, consacrée à l’évaluation des troubles du patient, s’élève à 40 euros. Les suivantes à 30 euros. Elles sont ensuite remboursées à 60% par l’Assurance maladie et 40% par les complémentaires santé. Attention toutefois. Olivier Véran, Ministre de la Santé a précisé que la télétransmission dans le cadre de « Mon Psy » ne sera pas possible avant 2023. Ainsi, les patients devront eux-mêmes prendre en charge leur feuille de soins et la communiquer à l’Assurance maladie et à sa mutuelle. Sans cette étape, pas de remboursement possible.
Lire aussi : Décès d’un salarié, collaborateur en deuil : comment accompagner le deuil au travail ?
« Mon psy » : quelles conditions pour en bénéficier ?
Selon la plateforme, « Mon Psy » est disponible aux Français souffrant de troubles dépressifs et anxieux, dont l’intensité peut aller de « légère à modérée ». Le patient doit également être en possession d’une prescription médicale délivrée par un généraliste ou autres membres du corps médical (pédiatre, médecin scolaire etc.). À l’issue de la première consultation, c’est le psychologue qui prévoit le nombre de séances nécessaires. Le maximum étant de huit séances par an pour chaque patient. Au-delà des huit séances, la patient a la possibilité de continuer son suivi, mais celui-ci ne sera plus remboursé.
Pour en bénéficier, il faut donc :
- Avoir plus de trois ans
- Présenter des troubles mentaux « légers à modérés »
- Consulter un médecin, qui, le cas échéant, délivre une prescription médicale
- Obtenir une première consultation avec un psychologue partenaire
À lire : Pourquoi le deuil périnatal n’est-il pas un deuil comme un autre ?
Un dispositif discriminatoire qui divise la profession
Au sein de la profession, le dispositif est décrié. Les conditions imposées pour y accéder sont jugées discriminatoire. En effet, celles-ci précisent bien que les personnes présentant des risques suicidaires, des troubles dépressifs ou anxieux sévères ne pourront pas accéder aux huit séances remboursées proposées par « Mon Psy ». L’étape de l’obtention d’une prescription médicale est également remise en cause. Elle oblige les patients à s’adresser à un médecin généraliste pour discuter de leurs troubles. Or, pour les psychologue du collectif « Manifeste Psy », c’est un véritable manquement à l’accès direct aux soins, pourtant inscrit dans le code de déontologie de la profession.
Des conditions spécifiques pour les jeunes
De plus, en ce qui concerne les jeunes âgés de 3 à 17 ans, les conditions d’éligibilités diffèrent. En effet, l’accès aux huit séances remboursées sera impossible pour certains motifs, tels que « des situations de retrait et d’inhibition majeures, des troubles neuro-développementaux, ou des troubles externalisés sévères comme les exclusions scolaires à répétition, le retentissement majeur sur la scolarité et les apprentissages ou sur la vie familiale, ainsi que les troubles des conduites avec acte légal ou médico-légal (arrestation, condamnation, acte hétéro-agressif etc).« , explique Camille Mohoric-Faedi, psychologue clinicienne, psychothérapeute et co-fondatrice du collectif « Manifeste Psy », aux journalistes de Capital.
« Mon Psy » : la plateforme est-elle au service des endeuillés ?
Avec les conditions imposées pour accéder au dispositif, les endeuillés qui traverseraient un deuil compliqué ou un deuil pathologique pourraient se voir refuser l’accès, en raison des symptômes caractéristiques, généralement de « modérés à sévères ».
L’inscription de la nouvelle pathologie du « deuil prolongé » dans le DSM-5 pourrait également empêcher l’accès des endeuillés à ces soins remboursés. En effet, le « deuil prolongé » correspond à la persistance des signes de dépression dans les six mois après la perte d’un proche et douze mois s’il s’agit d’un enfant. Aujourd’hui, cette nouvelle pathologie fait l’objet de nombreux débats. Elle est notamment accusée de sur-pathologiser le deuil. Ces « symptômes » caractéristiques, sentiment de nostalgie, douleur émotionnelle ou encore difficulté de concentration au travail sont un véritable « four-tout entre signes de dépressions, état de stress-post traumatique et idées délirantes.« , explique le psychiatre Patrick Landman. Ainsi, les personnes en deuil présentant des troubles « légers à modérés » sont donc très susceptibles d’être catégorisées comme traversant un deuil prolongé, avec des troubles « modérés à sévères », non pris en charge par « Mon Psy ».
À écouter : Hélène Romano, psychologue : Le deuil n’est pas une maladie
Lire aussi :
- Deuil d’un enfant : un plan de l’État pour mieux accompagner les parents
- Thérapeutes : elles se spécialisent dans les maux du deuil
- Formation deuil : “Comprendre le deuil pour mieux l’accompagner” by Happy End !
- Bientôt une pilule pour “soigner” le deuil ?
- Sur le campus grenoblois, une initiative favorise l’accompagnement des étudiants en deuil
Commentaires