Le suicide d’un proche plonge dans un état de choc extrême. Chaque année, on estime à 100 000 le nombre d’endeuillés suite au suicide d’un proche. Derrière ce chiffre, se cachent des personnes en grande souffrance qui ont besoin d’un accompagnement. Pour répondre à ce besoin de soutien, la plateforme dynamique et interactive Espoir, imaginée par une équipe de chercheurs et médecins sous la supervision du Dr Édouard Leaune, psychiatre au centre de prévention du suicide de l’hôpital du Vinatier spécialisé dans l’accompagnement des personnes endeuillées par suicide, sera inaugurée ce lundi 20 mars.
Le deuil suite à un suicide est-il plus dangereux qu’un deuil suite à une mort naturelle ?
Dr Édouard Leaune : Le deuil n’est pas un état que l’on peut hiérarchiser. Toutefois, les spécificités du deuil suite à un suicide sont particulièrement dangereuses à plusieurs niveaux.
La culpabilité est très forte chez les endeuillés par suicide. Ils vont être hantés par un certain nombre de questions telles que « Qu’est-ce que j’aurai pu faire ? » ou « Pourquoi je n’ai rien remarqué ? ». D’autre part, le deuil par suicide est le deuil qui entraîne le plus de risques sur le plan psychiatrique, avant même le deuil suite à un homicide, qui est aussi très violent.
En effet, 30% à 50% des personnes en deuil suite à un suicide présenteraient des troubles de santé mentale. Ce niveau de détresse important engendre également un risque suicidaire très important. Le suicide d’un proche « ouvre une porte » pour ceux qui restent. Lors de mes accompagnements, les endeuillés me rapportent souvent que le suicide devient une pensée quotidienne. Certains vont même jusqu’à « se mettre en situation », sans passer à l’acte, simplement pour comprendre ce qu’on peut ressentir avant le suicide. Malheureusement, le tabou qui persiste autour de la mort et du suicide force les endeuillés au silence. Au cours de mes consultations, on me confie souvent à quel point il est difficile de dire que son proche défunt s’est suicidé.
Quelles sont les problématiques d’accompagnement des endeuillés suite au suicide d’un proche ?
Dr Édouard Leaune : Avec mon équipe, nous avons effectué un constat clinique au cours de nos accompagnements : les personnes en deuil suite à un suicide ont beaucoup de questions. Puisqu’il n’existe pas de structure dédiée pour les soutenir, on ne sait pas vers quoi les orienter. On imprime des papiers, on partage des listes d’ouvrages et autres ressources, on propose le nom de plusieurs associations spécialisées… Mais pour les personnes en deuil, déjà fragilisées par le décès, cette masse d’informations est indigeste. Ils finissent par jeter les papiers, puis regrettent et reviennent nous demander l’information. Ce comportement est normal. Ces gens n’ont pas les mêmes besoins une semaine après le décès et trois mois après.
Le Covid-19 a prouvé qu’on était capable de créer en l’espace de deux semaines des plateformes pour orienter les gens, alors pourquoi pas une plateforme pour rassembler toutes les informations et ressources utiles pour les endeuillés après suicide.
Comment la plateforme Espoir va-t-elle soutenir les endeuillés ?
Dr Édouard Leaune : Tout d’abord, il faut savoir qu’à chaque étape du projet, nous avons impliqué des personnes qui ont traversé cette épreuve afin de répondre de la manière la plus pertinente leurs besoins et leurs attentes en matière d’accompagnement.
Trois services se sont donc dessinés :
- Le premier service consiste à donner un maximum d’informations sur le deuil après suicide et le suicide.
- Puis, de proposer un accès à des témoignages d’autres personnes endeuillés par suicide.
- Enfin, offrir la possibilité d’échanger avec les professionnels de l’équipe Espoir via un chat différé (de 48 à 72h) et accéder à une carte interactive de ressources.
La phase de test de la plateforme Espoir, menée avec trente personnes concernées a été un succès.
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