Ophélie*, 30 ans, souffre de thanatophobie, une peur permanente de la mort qui l’oblige à un état de vigilance permanent. Témoignage.
À 13 ans, j’ai été nommée chef d’équipe chez les scouts. Un rôle que j’ai eu du mal à assumer et qui explique peut être ma thanatophobie. Une nuit, alors que j’étais responsable d’un groupe de filles âgées de onze et douze ans, un violent orage s’est déclaré. Comme nous avions érigé nos tentes dans les arbres, j’étais pétrifiée par la peur que survienne un malheur. Cette nuit-là, une fille a eu des bouffées délirantes pendant que d’autres s’amusaient à fuguer en forêt. Je devais m’efforcer de rester à l’affût du moindre danger car j’avais le sentiment que quelqu’un allait mourir.
Avec mes parents, je vivais dans une perpétuelle peur de la mort
Bien avant ma naissance, mon grand-père a eu un accident de voiture qui a provoqué la mort de ma grand-mère et de mon oncle. Ce drame a profondément marqué mon entourage. Mes parents ont toujours veillé à ce que je me tienne loin de tout danger. Par exemple, lorsque j’ai reçu une paire de rollers lors d’un Noël de l’entreprise, mes parents m’ont expressément interdit de les utiliser. Selon eux, je risquais de chuter, de me cogner la tête ou même de me casser une jambe. Ce schéma se reproduisait dans d’autres aspects de la vie quotidienne. La situation était très pesante car j’avais l’impression de vivre dans une perpétuelle menace, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Ma thanatophobie me plonge dans un état de vigilance permanent
Aujourd’hui, ma propre thanatophobie se traduit de la même façon. Je suis dans une sorte de vigilance permanente. Je supporte difficilement la vue de ma mère qui se penche à la fenêtre ou que mon père se promène seul alors qu’il pourrait trébucher.
Quand je suis devenue tante, j’ai fait de ma mission personnelle la protection de ma nièce. À tel point que je montais la garde devant sa chambre pour m’assurer qu’elle ne tombe pas du lit. Je conçois tout à fait qu’il soit difficile de comprendre mon comportement pour mon entourage. Mais il s’agit avant tout d’un mécanisme de défense. La thanatophobie, comme toute autre phobie, échappe à notre contrôle.
Cette peur de la mort s’étend bien au-delà de mon cercle familial. Au quotidien, lorsque je marche dans la rue, je suis aux aguets du moindre danger. Si je remarque qu’une personne est en difficulté, je dois intervenir. J’ai le sentiment que porter secours fait partie intégrante de ma personne. En fin de compte, je demeure toujours à la frontière de cette fragilité entre la vie et la mort.
*Nom anonymisé
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