24% des adultes atteints de cancer ont des enfants de moins de 18 ans [1]. Suite au décès de leurs parents, ces enfants plongent dans une angoisse profonde et développent des nouvelles croyances : « Je dois être sage pour consoler maman », « je dois devenir une vraie petite maman pour aider papa ». Ils peuvent aussi souffrir de la place que prennent les morts dans l’existence des vivants. A l’adolescence, ce malaise peut entraîner une réaction défensive renforcée. D’où l’intérêt de prendre en charge ces enfants peu de temps après le décès de leurs parents, à travers des groupes de parole.
A Bordeaux, un dispositif thérapeutique, « La Petite Fille aux Allumettes, quels mots pour quels chagrins », a été mis en place il y a six ans, à l’initiative de neuf psychologues, confrontés à des familles en deuil en milieu hospitalier. Convaincus de la nécessité d’offrir un lieu d’expression à ces orphelins, ils ont été soutenu par la Fondation OCIRP pour lancer un programme de soutien dédié au parent survivant et à ses enfants. Bien qu’ouvert à tous, ce dispositif s’est spécialisé dans le suivi des jeunes enfants (de 3 à 5 ans).
Ces groupes de paroles est un espace pour exprimer leur tristesse suite au décès d’un de leur parent
Dans ces réunions de groupe, les enfants invités à s’exprimer, abordent principalement trois thèmes : leur sentiment de colère, la maladie et la mort. En revanche, il leur faut du temps pour s’autoriser à montrer l’étendue de leur tristesse… Quant aux parents récemment endeuillés, leur enfant apparaît en quatrième position dans les discussions. Ce qui prouve l’incapacité d’un adulte en plein deuil de mettre au premier plan le chagrin de son(es) enfant(s).
« Ces groupes de parole sont bénéfiques car ils évitent que la perte ne devienne un élément constitutif de la construction identitaire de l’enfant. Dans l’idéal, ce travail de deuil devrait être répété à chaque étape de son développement psychique », souligne Marthe Ducos, psychologue clinicienne à l’Institut Bergonié-Bordeaux et doctorante en psychologie à l’Université Paris 8.
Un travail en plusieurs étapes primordial pour Hélène Romano, docteur en psychopathologie : « un enfant qui va mal ne parle pas forcément. Il faut l’aider à élaborer sa pensée car il a souvent peur et culpabilise. Il est persuadé que cette mort est arrivée par sa faute. Parfois, les troubles liés à ce décès ressurgissent bien plus tard. Il faut rester disponibles psychiquement et être attentifs à un repli sur soi soudain… », avertit-t-elle.
Comment parler de la mort aux enfants ? Ecoutez le podcast avec Hélène Romano, psychologue, spécialiste de la prise en charge des enfants suite à des chocs traumatiques
Enfant, ado, parents, grands-parents… Chacun son groupe de parole
Si les familles se rendent ensemble aux séances, une fois par mois, un groupe de parole est réservé aux enfants, un autre aux adolescents ; un pour les parents et un dernier pour les grands-parents. La durée du suivi varie en fonction des besoins de chacun. « En général, les familles restent une année, mais certaines peuvent n’avoir besoin que de cinq semaines là ou d’autres sont avec nous depuis deux ans et demi. » explique Marthe Ducos, psychologue Clinicienne à l’institut Bergonié, centre de lutte contre le cancer de Bordeaux. Une souplesse qui permet aux familles d’évoluer à leur rythme.
Pour en savoir plus : La petite fille aux allumettes
Il existe un autre groupe similaire à Toulouse, Histoire d’en parler à l’Hôpital Purpan.
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