80% des Français ont jugé le soutien des ressources humaines inadapté, voire inexistant, suite au décès d’un proche, d’après une enquête de l’association Empreintes.
Dans le monde de l’entreprise, le deuil est majoritairement invisibilisé. Pourtant, le décès d’un être cher est une épreuve qui peut avoir un impact sur la vie professionnelle. Pour preuve, 11% finissent par quitter leur emploi.
S’il reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à une meilleure considération et à un accompagnement adapté du deuil au travail, certaines entreprises se montrent à l’écoute des besoins du salarié. Trois endeuillés nous racontent comment leur entreprise a su les épauler suite au décès de leur proche.
Michèle, 37 ans, salariée d’une agence de fundraising : “Ma responsable a toujours questionné mes besoins pour y répondre au mieux.”
“ En 2020, je suis tombée enceinte d’un petit garçon. Durant mon cinquième mois de grossesse, lors de l’ échographie de datation, nous avons découvert que notre bébé avait une hernie diaphragmatique, ce qui allait engendrer un développement insuffisant de ses poumons. Quelques semaines plus tard, alors qu’une opération in utero était programmée, une échographie a révélé d’autres malformations qui auraient, associées à la première, condamné mon fils dès la naissance. Avec mon conjoint, nous avons alors dû prendre la décision la plus difficile de notre vie : mettre un terme à cette grossesse. J’en étais alors à mon huitième mois et j’ai travaillé jusqu’au jour de l’IMG.
Avant même que mon fils ne décède, ma responsable s’est montrée extrêmement compréhensive et bienveillante. Elle m’accordait le temps dont j’avais besoin pour les rendez-vous médicaux.
Après l’accouchement, je pouvais bénéficier de la totalité de mon congé maternité, mais j’ai finalement décidé de revenir un mois plus tôt que prévu, sur proposition de ma responsable. Je pensais que reprendre le travail me ferait du bien, mais je n’arrivais pas à me concentrer. Entre-temps, je suis également retombée enceinte. J’ai donc demandé à me ré-arrêter quelques jours.
Je n’ai jamais eu besoin de poser d’arrêt de travail et mon salaire a toujours été maintenu. Face à cette épreuve, ma responsable a parfaitement su comment réagir, elle me demandait à chaque fois ce dont j’avais réellement besoin.
Ce que je trouve particulièrement remarquable dans mon expérience, c’est la manière dont mon deuil périnatal a été pris en compte, qu’il s’agisse de mes collègues ou de ma patronne. Je ne me suis pas sentie isolée et ils ont toujours reconnu ma peine sans jamais la minimiser. ”
Héloïse, 32 ans, conceptrice lumière : “ Les patron·ne·s peuvent aussi être des êtres humains avec des émotions et de l’empathie.”
“Ma mère est décédée en avril 2022. Dans un premier temps, mon entreprise m’a témoignée beaucoup de bienveillance, et ma patronne m’a tout simplement demandé : »de combien de temps as-tu besoin ? », ce à quoi j’ai répondu : « un mois ». Cela ne lui a posé aucun souci.
J’ai apprécié qu’on me laisse ce temps, sans me mettre la pression. Pendant cette période, je n’ai jamais été contactée, »dérangée », ni pressurisée…
Mais c’est surtout la suite que j’ai trouvé remarquable.
Ma grand-mère habitait avec ma mère et suite à son décès, mon conjoint et moi l’avons accueillie chez nous. Entre la reprise du boulot, les démarches administratives liées au décès de ma mère, les différents rendez-vous pour ma grand-mère et la recherche d’un appartement plus grand, je me suis retrouvée sous l’eau. Et en difficulté pour obtenir un crédit afin d’acheter un nouvel appartement suffisamment grand pour accueillir ma grand-mère. Il me fallait un CDI…
J’étais à mon compte depuis trop peu de temps pour sembler »solide » auprès des banques. J’en ai parlé à mon entreprise… Et j’ai pu obtenir un CDI en une semaine. Ma cliente est devenue officiellement ma patronne.
Des phrases comme »c’est ok d’avoir des émotions », »tu as le droit de pleurer », »si tu en as besoin, prends du temps pour toi », j’en ai souvent entendu en entreprise, mais il n’y a que dans mon entreprise actuelle que je les ai vu réellement appliquées.
Et si c’était ça une bonne gestion du deuil en entreprise : gérer les premiers instants mais se montrer aussi compréhensifs sur la durée pour accompagner les chamboulements qui suivent ?”
Lire aussi : Un guide pour mieux accompagner le deuil au travail
Souad, 42 ans, chef de projet marketing et publicité : “ La mort de mon mari n’a jamais été perçue comme tabou.”
“Après le décès de mon mari, le 22 juin dernier, l’entreprise dans laquelle je travaillais a tout mis en œuvre pour me faciliter la vie.
Pour notre petite équipe de vingt personnes, gérer une situation de deuil au travail était une première. Mon manager a parfaitement su me soutenir dans les différentes étapes en étant pleinement à l’écoute et dans l’empathie. Il m’a proposé sans hésiter d’adapter mes horaires et le soutien d’un psychologue si je le désirais. Quant à mon travail, il a pris le relais avec mes partenaires pour que je n’ai pas à m’en occuper.
Ma RH m’a également beaucoup aidée. Pourtant, contrairement à mon manager, je n’avais que très peu de liens avec elle. Elle a facilité mes demandes d’arrêt de travail pour me permettre de rester auprès de mes enfants et m’a accompagné dans de nombreuses démarches administratives. Elle continue d’ailleurs de m’épauler bien que je ne fasse plus partie de l’entreprise depuis le mois d’aout.
À mon retour, je ne me suis jamais sentie mal à l’aise ou isolée et la mort de mon mari n’a jamais été un tabou. J’ai reçu de nombreux messages touchants, des cartes, des fleurs et surtout, ils m’ont toujours proposé leur aide.”
Remarquons que dans ces témoignages, les patrons ont fait preuve d’une grande flexibilité envers leurs employés. Dans les faits, plus de la moitié d’entre eux ne propose pas davantage de temps de congé que les obligations légales.
Des congés trop courts suite à la perte d’un proche
Pour les salariés endeuillés, la durée du congé accordé suite à la perte d’un proche est jugé bien trop courte. Elle ne prend absolument pas en compte l’état psychologique dans lequel une telle épreuve nous plonge, ni la lourdeur administratives des démarches après-décès.
Actuellement, le Code du travail prévoit un congé de seulement 3 jours suite au décès de :
- Votre époux.se, partenaire de Pacs ou concubin
- Votre Père, mère, beau-père ou belle-mère
- Le Père ou la mère de votre époux.se
- Votre Frère ou sœur
Depuis la loi du 19 juillet 2023, la durée du congé suite au décès d’un enfant, à partir de 22 semaines de grossesse et jusqu’à ces 25 ans ou quel que soit son âge s’il était lui-même parents, est allongé de 7 à 14 jours. En plus de ces 14 jours, les parents ont le droit à un congé de deuil de 8 jours pouvant être fractionné et pris dans un délai d’un an à compter du décès.
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