Dans la nuit du 24 août 2021, Aurélie perd Léo, son fils, âgé de presque trois ans, dans des conditions tragiques. Refusant leur séparation, son ex-mari souhaitait l’atteindre de la manière la plus cruelle, en ôtant la vie de leur fils. Depuis le premier jour du drame, animée par l’amour, Aurélie tient debout, en hommage à ce petit être qui lui a tant donné.
“J’ai pris la décision de quitter mon ex-mari peu de temps avant les trois ans de Léo. Un choix qu’il a très mal accepté, mais auquel il avait semblé se résigner.
Quelques jours après cette discussion difficile, il m’a dit vouloir organiser une soirée avec Léo dans un bel hôtel avec piscine. Légèrement inquiète à l’idée de changer les habitudes de mon fils, je comprenais toutefois qu’il veuille passer du temps seul avec lui. Il fallait que je m’habitue à la garde partagée qui allait devenir notre quotidien.
La nuit d’un drame imprévisible
De l’hôtel, il m’a envoyé de nombreuses photos de Léo qui jouait dans la piscine, ce que je trouvais très attentionné de sa part. Léo passait vraiment un bon moment.
Vers 21 h 30, mon ex-mari m’appelle. J’imagine que mon fils a du mal à s’endormir. Je décroche, et là, j’ai affaire à quelqu’un dans un autre état. Pendant des dizaines de minutes, il m’assaille de reproches sans me laisser le temps de répondre. Je tente de le calmer, mais rien à faire. Le ton de sa voix devient de plus en plus menaçant et cynique, sans me douter pour autant de ses véritables intentions.
Je lui propose alors de le rejoindre pour discuter, ce à quoi il me répond : “Ne viens pas, tu vas avoir un traumatisme.”. Mon cœur n’a fait qu’un tour, je ne savais pas quoi faire. Il m’assène à nouveau des phrases horribles, avant de me dire d’un ton calme : “Je peux te donner un conseil ? Cherche le meilleur psychologue que tu puisses trouver parce qu’avec ce que je vais faire, tu ne vas jamais t’en remettre.”. J’ai immédiatement appelé les urgences, puis l’hôtel qui n’a malheureusement rien pu me dire.
Le ciel me tombait sur la tête
Complètement paniquée, j’ai pris un taxi. Je priais de toutes mes forces pour qu’il ne soit pas trop tard.
À mon arrivée, la police et les urgences se trouvaient déjà sur place. “Votre fils est là-haut, mais il ne va pas très bien.”, m’annonce un policier en me prenant par l’épaule. Il a essayé de me réconforter comme il le pouvait en me donnant toutes informations transmises par ses collègues. Aucune trace de mon ex-mari.
Puis, le médecin est venu me voir et s’est agenouillé devant moi, m’annonçant que le cœur de Léo ne battait plus. Tentant de faire tout ce qu’il pouvait pour réanimer mon fils, il est redescendu par l’ascenseur quinze minutes plus tard. En voyant les yeux du médecin, je compris que mon fils s’en était allé pour toujours. Le ciel me tombait sur la tête.
Totalement déconnectée, je ne parvenais même pas à pleurer. La rage dans les yeux, le policier, me fit la promesse de retrouver son meurtrier.
Malgré l’imprévisibilité de ce qui venait de se produire, je me sentais coupable et trahie. Comment une personne que j’avais aimée pouvait commettre un acte d’une telle cruauté ? Je ne pourrais jamais lui pardonner.
En enlevant la vie à Léo, il a choisi de me faire souffrir à jamais. C’est ce qu’on appelle la violence “vicariante”, le plus haut degré de la violence conjugale qui consiste à faire du mal à l’enfant pour atteindre la mère.
L’amour comme moteur dans mon chemin de vie et deuil
Afin que je ne reste pas seule, les services sociaux m’ont conduite dans un centre où j’ai résidé pendant quinze jours. La première semaine, je ne sentais pas mon corps, mais par amour pour Léo, je ne me suis pas effondrée. Je m’efforçais de tenir, pensant qu’il n’aimerait pas me voir sombrer. Je vivais alors chaque journée, seconde par seconde. Le fait de garder mes habitudes m’a permis de tenir debout. Je mettais un cadre dans une situation qui n’en avait pas.
En parallèle, je vivais dans la peur que mon ex-mari me retrouve pour me tuer moi aussi. Des gardes du corps veillaient sur moi jour et nuit.
Finalement, au bout de vingt-trois longs jours, son corps fut retrouvé dans la forêt. Il s’était suicidé comme beaucoup le font dans ce cas. Un soulagement.
Le traitement de l’infanticide par les médias amplifie la douleur
Face aux médias, j’ai toujours fait en sorte de me protéger en évitant tout contact avec les journalistes, mais quand un drame pareil se produit, bien souvent, notre histoire nous échappe. Certains éléments furent inventés de toute pièce. Je me suis sentie salie.
Voir ainsi ma souffrance exposée a été une expérience traumatisante qui n’a fait qu’amplifier ma douleur.
Le nom de son géniteur n’apparaîtrait pas sur sa plaque, c’était ma volonté
En raison de l’enquête, les funérailles de Léo n’ont pu se dérouler qu’un mois après son décès. En Espagne, chaque enfant porte les noms de ses deux parents, alors j’ai pris la décision que mes noms de famille et non celui de son géniteur soient gravés sur la plaque. Il était impensable d’envisager que le nom de son meurtrier y figure aussi. Au regard des circonstances et à force de six mois de bataille, j’ai également obtenu la possibilité d’effacer le nom du père sur ses papiers. Par la suite, j’ai lutté pour que la suppression du nom de famille du géniteur devienne automatique en cas d’infanticide.
Fleurs, peluches, Legos… Je voulais organiser la plus belle cérémonie possible, à l’image de Léo. Malgré la douleur que représentaient ces obsèques, je les souhaitais joyeuses.
L’Église était pleine. De nombreuses personnes avaient fait le déplacement, des proches bien sûr, mais aussi des personnes touchées par notre histoire.
Dans son petit cercueil, Léo portait son pyjama Spider-Man dont j’avais pris soin de couper l’étiquette pour qu’il ne se pique pas, prenant soin de lui jusqu’au bout. J’y avais déposé mon parfum et quelques gouttes d’huile essentielle de lavande afin qu’il soit entouré d’odeurs familières. Son hippopotame en peluche préféré à ses côtés, il ne serait jamais seul. J’ai acheté la même peluche pour toujours garder une part de lui près de moi.
La violence du retour à la vie après un infanticide
Lorsque l’on perd un enfant suite à un infanticide, la violence perdure même après la mort. Au bout d’un an et trois mois, j’ai dû retourner au travail, mais le système public ne m’a proposé aucun aménagement.
Sur cette question, l’Espagne et la France sont au même niveau.
Heureusement, en parlant de ma situation à mon entreprise, nous avons pu mettre en place un aménagement. J’ai également eu la chance de recevoir du soutien logistique et financier de la part de la ville de Barcelone. Une aide précieuse dont ne disposent pas tous les parents ayant perdu un enfant suite à un infanticide.
Avec l’aide de plusieurs politiques, nous avons porté un décret visant à mettre en place une aide de la région de Catalogne pour les parents ayant perdu un enfant suite à un infanticide. Cette initiative est, pour moi, extrêmement symbolique. Face à l’injustice et au manque de considération de notre douleur, impossible de rester passive.
J’ai eu envie de devenir maman à nouveau
Après le décès de Léo, j’ai ressenti le besoin de devenir maman une nouvelle fois. Ma vie perdait de son sens si je ne l’étais plus au quotidien. Je souhaitais entreprendre seule ce projet. Une possibilité qui fut facilitée puisque j’habite en Espagne, pays dans lequel il est plus simple d’accéder à une procréation médicalement assistée (PMA) ou une fécondation in vitro (FIV).
Le petit frère de Léo, Noé, est aujourd’hui âgé de neuf mois. Je lui parle souvent de son grand frère bien qu’il ne puisse pas encore comprendre. La mort de mon fils ne sera jamais un tabou.
Je pense à lui chaque jour. J’ai mal de ne plus le voir grandir. J’ai mal que l’on ait décidé de son destin, que l’on l’ait privé de vivre et privé d’avenir alors qu’il serait certainement devenu un homme incroyable.
Le jour de sa naissance, il a fait naître une maman. Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir transmis le plus grand apprentissage de ma vie. J’espère que de là-haut, il peut voir tout mon amour. Léo, merci de m’apporter ta lumière pour continuer d’avancer.
Afin de rendre hommage à Léo, Aurélie a écrit pendant un an une chanson pour son fils. Pierre Arnaud, le compositeur, qui l’a aussi accompagné dans l’écriture, met en voix cette ballade pleine d’amour et de douceur.
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