« Lorsque nous sommes arrivées aux urgences, Christine ne savait pas qu’il lui restait 4 mois ½ à vivre. Elle venait d’avoir 50 ans. Le processus de la maladie fut douloureux, heureux parfois, tendre et aimant le plus souvent. J’ai cherché de tout mon être à la sauver. Elle avait peur de mourir. J’avais très peur aussi. Jusqu’à ce que nous accueillons l’une et l’autre cette issue : la mort, le passage.
C’est moi qui lui ai annoncé le diagnostic 12 jours avant son départ. Alors, nous avons pu l’une et l’autre nous relâcher. Nos cœurs se sont ouverts. Tout comme notre parole, surtout la nuit. Des mots simples, amoureux, des fulgurances spirituelles aussi alternant avec de longs temps de silence. Plus le temps passait, plus Christine était dans l’amour, la gratitude. Comme si tous les voiles de l’égo, toutes les résistances à la vie, s’effaçaient. Alors qu’elle était en train de mourir. Quel paradoxe ! Elle est partie sereine, apaisée. Je dis souvent que cette maladie l’a guérie.
Elle m’a fait part de ses souhaits avant de mourir
J’ai passé ses derniers jours à ses côtés à la clinique. 12 jours avant sa mort, je lui ai demandé si elle avait déjà pensé à sa propre mort, à sa cérémonie de départ. « Bien-sûr », m’a-t-elle répondu. Elle souhaitait être incinérée au Père Lachaise, et tenait à ce que nous diffusions « Le wagon » des Charbonniers de l’enfer, une chanson québécoise qu’on adorait. Et que ses cendres soient répandues à Berlin, en Ecosse, dans les Alpes et au sommet de la montagne de Lure.
C’était tout. Pour le reste, elle me faisait confiance. Je me souviens avoir préparé le diaporama photos diffusé lors de son enterrement dans sa chambre, tout en la veillant. Elle a déposé son dernier souffle, entourée de trois de ses proches ami.e.s,, dont moi. Ce fut si doux. Si simple. »
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On a rempli son cercueil d’objets
« Elle est partie le 29 août 2016. La veille, sentant que son départ était proche, j’avais insisté auprès du crématorium du Père Lachaise pour réserver une salle. C’était son souhait et donc ma mission. J’ai voulu que la cérémonie ait lieu très vite. Je ne voulais pas la laisser seule dans la chambre mortuaire. Sa maman, ses ami.e.s et moi avons rempli son cercueil d’objets qui nous tenaient à cœur : un drapeau Rainbow Fly, une sculpture représentant un cheval, un poème, des photos.
Le jour J, j’ai découvert le lieu de la cérémonie. C’était une salle immense pouvant accueillir 130 personnes avec ses vitraux et sa chapelle. Trop grande, trop majestueuse à mon goût. J’étais abattue.
Ne vous inquiétez pas, c’est elle qui a choisi
La femme en charge de la cérémonie a perçu mon désarroi. Elle avait des capacités médiumniques et elle m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, c’est elle qui a choisi ». Je ne l’écoutais pas trop jusqu’à ce qu’elle évoque un chat à côté d’elle. Or, quelques jours avant de mourir, Christine avait répété à plusieurs personnes que lorsqu’elle passerait « la porte », son chat l’attendrait là-haut, en dansant… J’ai commencé à dresser grandes mes oreilles et à mieux écouter cette femme. Réalité ou illusion ? Ça m’a tranquillisée et la salle fut, il est vrai, pleinement adaptée à la cérémonie. »
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Son enterrement était un banquet festif et joyeux
« Le jour de son enterrement, j’étais habillée en blanc. J’avais placé sur son cercueil un drapeau arc-en-ciel, symbole LGBTQI. La musique de Bowie, qu’elle adorait, et Freddy Mercury, « Under Pressure », résonnait à plein tube. On s’est tous levés, on a dansé, chanté. Il régnait une atmosphère exaltée, comme une transe.
Avec Christine, nous pratiquions le Wutao®, un art corporel contemporain. Nous avons voulu lui rendre hommage en lui offrant une dernière chorégraphie. Plusieurs personnes en haut des marches d’escalier ondoyant sous la nef des mille et une nuits de la Chapelle du Père Lachaise : un moment de grâce absolu.
Des témoignages en français, en anglais, en allemand, les langues qu’elle chérissait. La voix de son amie Nawal. La reprise en chœur de « Love is all ». Et un « It’s raining love, Alléluia », que Christine chantait avant de mourir.
Rester en communion avec elle
C’était la meilleure façon de rester en communion avec elle. Six amis ont porté son cercueil en cheminant marche après marche jusqu’au catafalque, sous la nef étoilée.
Puis nous nous sommes réunis au Centre Tao Paris, le cœur de nos activités, avec son urne et toutes les fleurs de la cérémonie. Nous avons bu du champagne et fait la fête jusqu’à tard dans la nuit. Nous avons dansé, au milieu des fleurs, en tenant, tour à tour, l’urne de Christine dans nos mains, en célébrant nos rires et nos pleurs. On a complètement débordé, oublié tout protocole. Mais ce chaos était jubilatoire. Sa cérémonie était un banquet de passage, festif et joyeux.
Quel cadeau pour la vie, ma vie !
Après cette cérémonie, sa présence ne m’a pas quittée pendant de longs mois. Je lui parlais intérieurement. Christine adorait les voyages. Pendant un an, je l’ai emmenée dans mes bagages. Je partais toujours avec une fiole remplie de ses cendres, et je les dispersais quand je le sentais.
Aujourd’hui, elle est au Québec, aux Antilles, à Auroville… Deux ans après, la mort de Christine est définitivement liée à ce moment de célébration. Quel enseignement et quel cadeau pour la vie, pour ma vie. Je suis pleine de joie et de gratitude. »
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