Apéro + mort = ?
Créé en Suisse, le concept du café mortel n’est pas nouveau. Mais Happy End a choisi de baptiser cette conversation autour de la mort autrement. En utilisant le mot que tout le monde redoute : « mort » et en l’accolant avec le mot apéro. Nous n’allions pas nous retrouver autour d’un café à quatre heures de l’après-midi, alors le terme semblait plus adapté. C’est aussi volontairement provocateur : accoler un terme qui évoque un moment de convivialité et un autre banni des conversations.
La mort fait partie de la vie
A quelques jours de l’événement, une amie qui a récemment perdu son papa me confie avoir été choqué. « Quand, j’ai vu ça, j’ai trouvé ça indécent ! Boire un verre et parler de la mort… Je ne suis vraiment pas prête à ça », m’a t-elle glissé. Julie, jeune maman d’un petit Léo, décédé accidentellement à l’âge de 4 mois et demi, approuve au contraire la démarche : « Avant la perte de mon fils, j’aurai pu trouver ça gênant. Mais aujourd’hui, je sais que la mort fait partie de la vie et j’ai besoin d’en parler tout le temps. Je fais d’ailleurs en sorte que les vrais mots soient employés : Léo est mort, c’est un drame mais une réalité. Et savoir que la vie est précieuse me fait d’autant plus en savourer chaque instant. »
Le silence a toute sa place
Pour ce premier apéro de la mort, j’ai choisi de privatiser l’étage du Mondial, un café du 10ème arrondissement de Paris. Un salon chaleureux et joliment décoré. Du rez-de-chaussée nous parviennent la musique et les discussions bruyantes d’un groupe d’amis du quartier. Pour Sophie Poupard-Bonnet, coach accompagnante de deuil, et moi, c’est une première, un saut dans le vide. « Et si personne ne parle ? On les relance ou on se tait ? » A cette question, Bernard Crettaz, sociologue et anthropologue, qui a initié les premiers cafés mortels en Suisse en 2004, aurait répondu : « le silence a toute sa place. » Saura t-on l’accepter ?
L’importance des rituels
Ce soir, 25 personnes sont là. En cercle, et autour de planches de charcuterie et de fromage, souvent un verre de vin à la main, nous échangeons. Une jeune fille nous a expliqué l’importance des rituels à la mort d’un proche dans la religion juive. « Tout est organisé, tout est écrit, tout est pris en charge. C’est rassurant. Et il y a ce temps indispensable après l’enterrement. On reste chez soi, sans sortir, durant les 7 jours du deuil, on ne se lave pas les cheveux, les hommes ne se rasent pas. Puis, pendant un an, on n’est pas censés faire la fête. » Une femme d’origine Africaine dit à quel point la mort est tabou dans certains pays d’Afrique. « On ne sait pas de quoi meurent les gens. Le sujet est soigneusement évité. C’est très compliqué. Pour moi qui suis malade, c’est dur à accepter ».
Certains ne disent rien
Un jeune homme de 21 ans révèle l’expérience de mort imminente qu’il a vécu et qui a transformé sa façon de voir la vie, une quadragénaire raconte à quel point avoir écrit ses dernière volontés l’a apaisé, une femme avoue s’être sentie privée de la mort de son ami, qui avait été trop médiatisé au moment des attentats. Certains ne disent rien. D’autres prennent plusieurs fois la parole, un ou deux s’éclipsent un instant pour remplir leur verre, deux autres filent en cours de route. Une heure quarante cinq s’est écoulée. Un laps de temps durant lequel la mort est sortie du silence, et où chacun a pu déposer ce qu’il souhaitait. Et personne n’est mort !
« Je n’ai pas très bien dormi »
Ce matin, l’une des participantes m’a écrit ce message : « Je n’ai pas très bien dormi. Ça m’a un peu secoué cet apéro. Parler de la mort en dehors d’un enterrement et avec des inconnus, ce n’est pas anodin. Ça m’a touché positivement, fait réfléchir. Finalement, c’est ça enlever le tabou. »
Si vous souhaitez être tenue informé du prochain apéro de la mort ou si vous aimeriez que Happy End en organise un dans un de vos établissements, rendez-vous sur la page Evénements de Happy End
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Et le témoignage de Laetitia : Le jour où on m’a appris que j’allais mourir
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