Marius est décédé à l’âge d’un an et trois mois d’une tumeur cérébrale, diagnostiquée à à peine trois mois. Micheline et Pierre-Henri, ses parents, reviennent sur cette année qui les a marqué à tout jamais. Si la perte de leur petit garçon fut rythmée par un long séjour à l’hôpital et des traitements lourds, elle a également été teintée par beaucoup d’amour, de bienveillance et de positivité. Ils racontent.
“Un matin de janvier 2021, quand Marius s’est réveillé, j’ai tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. Le mouvement de ses yeux était inhabituel. J’ai immédiatement pensé à un problème neurologique. Avec ma compagne, nous nous sommes directement rendus aux urgences, mais période de Covid-19 oblige, je n’ai pas pu les accompagner à l’intérieur de l’établissement. Après de longues heures, les portes se sont finalement ouvertes et un soignant m’a demandé de venir. “Votre fils a une masse qui lui appuie sur le cerveau, il doit être opéré au plus vite”, nous a-t-on dit.
Le début d’une année difficile
“L’opération de Marius a eu lieu le lendemain. Nous devions attendre une semaine pour avoir les résultats et comprendre de quoi souffrait notre fils. Une attente interminable, mais indispensable pour obtenir le diagnostic.
Durant cette semaine marquée par l’impuissance, les tubulures et les soins intensifs limitaient fortement nos interactions, en plus de la morphine à haute dose qui lui était administrée pour qu’il se remette de son opération”, confie Micheline.
“Puis les résultats sont tombés : Marius avait un cancer cérébral de stade 4. Pour traiter ce cancer rare et méconnu dans l’hôpital, des molécules non ciblées lui ont d’abord été administrées, la chimiothérapie s’est révélée être la meilleure option. Nous étions alors partis pour une année de chimiothérapie.”, ajoute Pierre-Henri.
Des traitements inadaptés
“La chimiothérapie s’est finalement avérée inefficace sur Marius. Cela ne signifie pas qu’il était pharmacorésistant, mais que le traitement n’était pas adapté. C’est l’absence de réponse médicale efficace qui a été fatal à Marius.
En parallèle de son cancer, Marius a déclaré un syndrome de West, une forme d’épilepsie généralisée rare qui provoque des crises de spasmes qui dégradent petit à petit le cerveau. Ses crises duraient plus de dix minutes, de longs moments d’angoisse et d’impuissance. C’était à chaque fois très impressionnant de voir son petit corps convulser.
Pour tenter de calmer son épilepsie, notre fils a dû multiplier les traitements et subir leurs effets secondaires. Nous avons dû batailler pour proposer d’autres options. Nous aurions aimé éviter cela, car la confiance envers les médecins et en son propre instinct de parents nous semblent être des armes redoutables pour être acteurs des soins. Ma compagne a finalement trouvé un médicament contre l’épilepsie que nous avons proposé aux médecins. Celui-ci s’est avéré efficace et sans trop d’effets secondaires, mais ce n’était pas à nous de trouver des alternatives médicamenteuses.
Le problème avec la prise en charge des maladies rares et des cancers pédiatriques est que les traitements ne sont pas adaptés ou tout simplement inexistants, ce qui est dramatique. La masse prime sur l’individu, alors quand une maladie est rare, ce n’est pas rentable pour l’industrie pharmaceutique et les recherches coûtent cher. Cela amène donc à des situations, comme celle de Marius, où des médicaments pour adultes sont administrés, avec un risque de surdosage aux conséquences parfois dramatiques. Deux tiers des enfants survivants ont ou auront des séquelles de leur traitement.”, partage le jeune père.
La mort était là, mais nous voulions le faire vivre
“Cette année-là, nous avons essayé de profiter de chaque jour. Malgré la chimiothérapie qui l’affaiblissait, nous allions toujours vers l’espoir. Il y a eu beaucoup de vie dans sa courte existence.
Deux jours avant son décès, l’état de Marius s’est brusquement dégradé, il était de moins en moins conscient. Tout a été très vite. Une réunion a alors été organisée pour parler de la suite de sa prise en charge. Jusqu’où étions-nous prêts à aller ? Nous avons décidé d’arrêter ses traitements et de mettre en place des soins palliatifs qui devaient débuter à la fin du mois de décembre. Mais il n’a jamais bénéficié de ces soins puisqu’il est décédé à la fin de l’année 2021”, explique Pierre-Henri.
“La nuit du 28 décembre, ses yeux ne s’ouvraient pas. Je l’ai allaité comme si tout était normal. Nous ne voulions pas y croire, mais nous vivions nos derniers instants avec notre bébé.
Marius n’a rien connu d’autre que l’hôpital, j’avais donc pris l’habitude de lui dire que sa maison était là où nous étions tous les trois. Il était trop petit pour exprimer ce qu’il ressentait, mais je pense que jusqu’au bout, il a senti notre amour. La mort nous a enlevé notre fils, mais pas les moments heureux passés avec lui.”, ajoute Micheline.
Célébrer la mort de Marius avec l’amour comme étendard nous a donné des ailes
“Après son décès, nous avons lavé ensemble son corps, une manière de prendre soin de lui jusqu’au bout. Ce rituel nous a permis d’intégrer la perte. Nous avons reçu trois bracelets, deux pour nous et un Marius, ainsi qu’une “valise-à-chérir” de la part de l’association Berrefonds qui soutient les parents endeuillés.”, explique Micheline
“Le jour de son enterrement, il y a eu des rires, du soleil et nous portions tous des petites touches de couleur. Nous voulions que sa cérémonie soit à son image : solaire. Célébrer la mort de Marius avec l’amour comme étendard nous a donné des ailes ce jour-là. Ça n’a pas été une mauvaise journée et c’est ce que nous souhaitions, être à contre-courant du rapport morbide que notre société a avec la mort, car la mort est surtout une affaire de vivant.
L’aide reçue par nos proches a été salvatrice. Nos amis ont géré toute l’organisation du repas post cérémonie. Des proches ont organisé un lâcher de ballons au cimetière, nos familles nous ont aidé à monter des tonnelles chauffées dans le jardin pour accueillir l’assemblée. Beaucoup de nos proches ont fait des dons pour nous aider à financer sa sépulture. Tout ça en période de covid, à quelques jours des fêtes de fin d’années et dans le froid. Même des parents endeuillés d’un fils ayant eu le même cancer que Marius sont venus nous soutenir depuis la France. Cet élan d’amour, de soutien, de générosité, jamais nous ne l’oublierons.
Il y a encore trop de tabous et de zones d’ombre au sujet de la mort. Or ce silence nuit aux familles qui viennent de perdre un être cher. Lors de son enterrement, nous n’avons pas pu assister jusqu’au bout la mise en terre du cercueil, parce qu’en Belgique, certains cimetières interdisent au public d’y assister. Le but étant de protéger les proches, mais cette intention fait parfois plus de mal que de bien. Assister à la mise en terre n’aurait rien enlevé à ma tristesse, mais m’aurait permis de l’accompagner jusqu’au bout, comme depuis le début de sa vie. », confie Pierre-Henri
Nous apprenons à vivre malgré son absence
“Pendant un temps, nous n’avions pas la volonté d’avancer. Dans le deuil, on doit respecter sa propre temporalité, et parfois toucher le fond, habiller notre souffrance pour que notre cœur se réchauffe lentement.
Quand est venu, pour nous, le temps d’avancer, il nous a fallu apprivoiser notre nouveau quotidien sans Marius. Dans notre reconstruction, nous avons toujours pu compter l’un sur l’autre. La communication, la confiance et notre complémentarité nous ont beaucoup aidé.
Si pour nous la terre s’est arrêtée, il fallait accepter que ce n’était pas le cas pour tout le monde. Après la mort de Marius, un certain nombre de nos amies nous ont annoncé leur grossesse ou d’autres événements heureux. Pris par la douleur, nous sommes parfois moins ouverts aux autres et se réjouir de leur bonheur est parfois difficile.
Individuellement, nous n’avons pas eu besoin des mêmes ressources. De mon côté, j’ai créé un groupe Facebook, une sorte de journal intime qui me permettait d’écrire et de partager notre histoire à des personnes dans la même situation. Cela a été très utile dès le diagnostic, durant tout son suivi et suite à son décès, mais au bout de quelque temps, quand il n’y a plus rien à poster, la place de l’absence est béante.
Ma femme, elle, a préféré continuer son suivi avec une psychologue, ce qu’elle avait déjà mis en place quand Marius était malade. Elle a aussi participé à des groupes de parole animés par des thérapeutes qui se sont révélés lui être d’une grande aide.”, partage Pierre-Henri.
Il sera toujours avec nous
“Il nous arrive très souvent de regarder des photos de notre fils pour nous remémorer les moments passés avec lui. Il n’est plus physiquement avec nous, mais toujours là. Régulièrement, nous lui écrivons des lettres que l’on dépose dans la boîte aux lettres qui se trouve sur sa tombe. Être créatif dans la création de rituels à notre image nous aide à gérer l’absence et gagner en présence intérieure. Marius fera toujours partie de notre quotidien. ”, annonce Pierre-Henri
“Pour nous accompagner tout au long de la maladie, l’hôpital nous avait remis un “collier des héros” auquel nous ajoutions une perle à chaque étape importante. Une initiative européenne mise en place par l’association Run for Hope pour matérialiser le parcours des enfants malades. Aujourd’hui, ce collier est pour nous un symbole précieux et réconfortant qui rend concrète l’existence de notre fils.
Nous avons eu la chance d’être très bien entouré par nos proches, mais, avec le temps, on nous parle de moins en moins de Marius, peut-être par peur de nous blesser. J’ai pourtant besoin qu’on parle de lui et des moments partagés. C’est le seul moyen de continuer à le faire exister. L’oubli est une de nos grandes peurs. Ce silence revient à le tuer une seconde fois.
Son décès n’a pas entaché notre désir d’enfant. Mais nous avons décidé de nous laisser du temps. Notre futur enfant ne viendra pas combler un manque ou réparer quoi que ce soit, nous ne voulons pas de “bébé médicament”. Certaines personnes maladroites nous ont conseillé de refaire rapidement un enfantt, mais personne ne remplace un mort. C’est avec Marius que nous avons appris à devenir parents. Même sans lui, nous le sommes toujours.”, affirme la jeune maman.
Un futur tourné vers l’espoir
“Nous avons décidé de transformer toute cette souffrance en expérience positive. Les parents confrontés au cancer infantile sont encore trop souvent livrés à eux-mêmes et doivent gérer des démarches anxiogènes dont ils ne devraient pas avoir à s’occuper.
Afin d’aider les professionnels de la santé à améliorer leur parcours de soin et les sensibiliser aux réalités des personnes malades, nous avons décidé de devenir patients experts. Si notre retour d’expérience peut aider d’autres parents, alors nous aurons réussi notre mission. », déclare Pierre-Henri.
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