Annabelle Thomas est ethnologue, spécialiste des rites funéraire. Résidente aux États-Unis, elle y a étudié les célébrations de vie organisées par les familles américaines et partage avec nous ses observations.
Une célébration de vie, c’est quoi ?
Les célébrations de vie ont lieu une fois que le corps du proche défunt a été inhumé ou crématisé. Certains professionnels du funéraire le proposent même si c’est généralement les familles qui l’organise. C’est un événement qui se développe depuis une dizaine d’années afin de célébrer la vie du défunt de manière plus joyeuse et moins funeste. La célébration de vie ressemble au verre du souvenir que les familles organisent parfois en France à la suite des obsèques. La volonté est toujours la même : rendre l’événement moins triste. Avec la célébration de vie, les familles affichent la volonté de centrer leur attention sur le défunt et de se rassembler pour célébrer sa vie. J’ai retrouvé cette même volonté dans les traditions Maoris. Cette coutume de se rassembler autour du corps, partager des pleurs, des anecdotes et un moment de partage pour accepter le départ.
Qui organise ces célébrations de vie ?
C’est la famille du défunt qui organise la célébration de vie. Elle a généralement lieu entre sept à dix jours après le décès. Au niveau de la loi, il n’y a pas besoin de déclarer la célébration. Ainsi, elle peut se faire dans une salle commune, chez la famille ou encore chez des amis. C’est un moment assez intime. C’est une tendance que l’on retrouve chez les familles au sein desquelles les parents ont une quarantaine d’années. Le phénomène touche davantage les nouvelles générations. Il y a même des tutoriels sur YouTube pour apprendre à organiser des célébrations de vie. En France, le numérique et les obsèques sont difficilement compatibles, même si ça se développe de plus en plus. Dans d’autres pays, comme ici aux États-Unis, c’est assez courant de filmer, de prendre des photos et de rire à un enterrement !
Pouvez-vous nous parler d’une célébration qui vous a touchée ?
Je peux vous parler de la célébration de vie d’une femme qui m’a particulièrement marquée. Avec la famille et les amis, on s’est retrouvés dans la salle communale des vétérans, où un autel était disponible avec des cartes, un livre d’or, des photos et les cendres du défunt. Les gens portaient des tenues de cowboys. Rien à voir avec les habits noirs de funérailles classiques. On pouvait sentir leur chagrin mais rapidement le beau père a pris la parole et a lu un texte qu’il avait écrit. Puis, le fils a parlé à son tour, suivi de sa soeur. À travers leurs discours, ils ont chacun partagé des souvenirs, illustrés d’un beau diaporama en arrière plan. Ils ont invité l’assemblée à partager également des anecdotes et des souvenirs. Ce qui m’a étonnée, c’est que des amis et des collègues prenaient la parole. C’était très drôle et très différent de ce que l’on peut voir en France. Il y avait une vraie connexion entre chaque membre de l’assemblée. Ce moment a duré 45 minutes, avant de se retrouver autour d’un repas.
Les discussions n’ont pas tourné autour de la défunte toute la soirée, mais on sentait qu’elle était centrale. Finalement, la célébration de vie à duré quatre heures. Pendant cette célébration, le chagrin avait sa place, mais les rires aussi.
Ces célébrations de vie pourraient-elles avoir lieu en France ?
Les cérémonies civiles françaises sont ce qui se rapprochent le plus de ces célébrations de vie américaines. Dans les zones conservatrices et rurales, je pense que les français conserveront un passage à l’église. Toutefois, dans les villes où l’on peut observer un croisement de population tant au niveau religieux qu’ethnique, ces célébrations de vie peuvent se développer. Beaucoup d’amis me disent vouloir une cérémonie d’obsèques à l’église avant d’être inhumés mais lorsque je leur demande pourquoi, ils ne savent pas quoi me répondre. En réalité, c’est parce qu’ils ne connaissent pas d’alternatives.
J’ose croire que des pompes funèbres vont prendre l’idée des célébrations de vie et les proposer aux familles. Le fait que ça soit civil et laïque, ça permet aux proches de prendre la parole et de personnaliser le moment. En Nouvelle Zélande, les pompes funèbres proposent des chapelles, où les familles peuvent se retrouver quelque soit leur religion. En France, il existe trop peu de solutions annexes que l’église ou le crématorium pour organiser des funérailles.
L’organisation d’une célébration de vie a-t-elle un impact sur le deuil ?
La célébration de vie ne doit pas être organisée pour effacer la douleur. Sinon, l’impact est à double tranchant. Le premier problème des funérailles aux États-Unis, c’est que les familles les organise trop rapidement, généralement 3 jours après le décès. Les professionnels se battent pour que les familles prennent leur temps, et puissent prendre conscience de l’absence du proche défunt et de la réalité de la perte. La célébration de vie a une autre dimension que celle des obsèques. Parfois, elle peut venir masquer la douleur du deuil. Or, le processus de deuil est primordial. La célébration de vie ne doit pas entraîner un déni. Il ne faut pas effacer les larmes ni le chagrin, mais le mélanger aux souvenirs. Les familles américaines le font très bien…
Ômages : organisez une fête du souvenir pour un défunt
En France, il n’est pas coutume d’organiser une célébration de vie de la même manière que les américains. Pourtant, avec Ômages, Vanessa Demery propose aux familles de réinventer les rituels d’hommage en organisant une Fête du souvenir. « Une fois les funérailles passées, le vide qui s’installe peut s’accompagner du sentiment de ne pas avoir assez contribué, ne pas avoir assez dit, ne pas avoir assez témoigner… », explique la fondatrice. La Fête du souvenir est donc un moyen de célébrer la vie en ravivant d’anciens souvenirs et d’en créer de nouveaux autour du défunt lors d’un moment de recueillement convivial.
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