Christophe Fauré, psychiatre spécialiste du deuil, a étudié de nombreuses études scientifiques et recueilli pour son nouveau livre Cette vie… Et au-delà de nombreux témoignages de patients, de chercheurs et de scientifiques sur les EMI (Expérience de mort imminente) les VSCD (vécu subjectives de contact avec un défunt) et les Expériences de fin de vie. Ce travail de recherche minutieux avait un objectif : changer le regard de notre société sur tous ces phénomènes pour ne plus les classer dans la case “croyance” mais dans la case “connaissance scientifique”.
En tant que médecin psychiatre, as-tu ressenti une appréhension à aborder le sujet de l’invisible ?
Christophe Fauré : En tant que médecin psychiatre en soins palliatifs, je suis depuis longtemps en lien avec des récits d’expériences de mort imminente, de VSCD ou d’expériences de fin de vie. Ces phénomènes sont quasiment ancrés dans mon quotidien. J’ai eu envie d’en parler car au fil de mes accompagnements de personnes en fin de vie ou en deuil, j’ai constaté que ces phénomènes avaient un immense potentiel d’intelligence, de clarté et de réassurance.
Cette vie… Et au-delà est une vulgarisation très accessible mais fondée et structurée. Je ne crains pas la critique car le livre est étayé par des articles scientifiques d’universitaires, de chercheurs et de médecins. Il ne s’agit pas de croire ou ne pas croire mais de décrire ces expériences et de les analyser.
Peux-tu nous parler des expériences de fin de vie ?
Christophe Fauré : Comme son nom l’indique, une expérience de fin de vie (EFV) intervient lorsqu’une personne est hospitalisée et en fin de vie. Au cours des soins qu’on lui prodigue ou d’une conversation avec des proches, ou encore lorsqu’elle se repose tranquillement, la personne manifeste soudain certains comportements inhabituels ou fait part à ses proches d’expériences, de rêves ou de perceptions de proches décédées qui se présentent à elle. “Je vois mon mari au bout du lit”, “Je veux aller là-bas. C’est beau”…. Elles ont le sentiment que leurs proches décédés viennent les chercher à leur tour.
Ils apparaissent de façon fugace quelques instants ou parfois à plusieurs reprises pendant plusieurs jours, jusqu’au décès. Cela déconcerte évidemment ceux qui l’entendent. D’autres fois, la personne fixe avec intensité un point de sa chambre où à priori il n’ya rien, ni personne. Elle sourit comme si elle voyait quelque chose d’agréable. D’autres se lèvent pour aller à la rencontre de ce “quelque chose” ou de ce “quelqu’un” ou s’agitent comme pour se préparer à partir.
Pour beaucoup de proches ou de soignants, il ne s’agit que d’hallucinations liés aux traitements médicamenteux ou à une altération cérébrale de la personne en fin de vie et ils n’y prêtent guère attention. D’autres s’en inquiètent et demandent aux médecins de traiter ce qui est perçu comme un “délire” ou un “état d’agitation terminale”. Pourtant, ces visions ou rêves ont très souvent une dimension apaisante. Elles apportent, le plus souvent, à la personne mourante un sentiment de paix et de réconfort. Il est important que le personnel soignant en ait connaissance car ces expériences sont annonciatrices d’une mort imminente.
Dans ton livre, tu nous fais aussi découvrir les expériences de fin de vie partagée. De quoi s’agit-il ?
Christophe Fauré : Les expériences de fin de vie partagées ou share-death experiences (EMP) surviennent lorsque des proches ou même des soignants, sans lien émotionnel avec le patient, présents au moment du décès, sont témoins d’une lumière ou d’une fumée qui s’élève souvent du torse ou du haut de la tête ou voient une lumière dans le coin d’une pièce, comme un portail. On peine à y croire et pourtant de nombreux témoignages de proches ou de soignants sont là pour souligner l’étonnante fréquence de cette expérience. Par la suite, ils sont en mesure de raconter ce qu’ils ont vu. Pour les proches et les soignants, cette expérience s’apparente au début du processus de mort. L’expérience de fin de vie serait donc un signe annonciateur du décès.
Il est admis qu’une EMI se produit lorsqu’une personne est déclarée cliniquement morte. Selon tes recherches, elle peut aussi se manifester dans d’autres situations ?
Christophe Fauré : On associe toujours une expérience de mort imminente (EMI) à un arrêt cardiaque mais grâce aux nombreux témoignages recueillis, on sait aujourd’hui que des EMI peuvent survenir dans d’autres circonstances. Je pense, par exemple, à une dame qui a été agressée dans son appartement. Un homme est entré par effraction et a essayé de la tuer. Pendant l’agression, alors qu’elle était au sol et que l’homme l’étranglait, elle a fait une EMI. Elle a vu la situation du dessus et lorsqu’elle a ré-intégrée son corps, ça lui a permis de trouver les moyens de de se dégager et de s’enfuir. Ici il n’y a pas d’arrêt cardiaque mais plutôt une situation de danger imminent. Ce phénomène n’est donc pas forcément relier à la mort cérébrale ou un arrêt cardiaque.
Lire aussi : Expérience de mort imminente (EMI) : 5 livres pour mieux comprendre le phénomène
Peux-tu expliquer ce que sont les VSCD ?
Christophe Fauré : Les VSCD sont des vécus subjectifs de contact avec un défunt. Ce phénomène est étudié depuis des années. 50 à 60 % des gens, en particulier en deuil, auraient connu un (ou plusieurs) VSCD spontanés au cours de sa vie. Lorsqu’une personne perd un proche, il se peut qu’elle perçoive entre le moment du décès, et jusqu’à six mois voire un an après, son proche décédé. Il peut être soit entier, soit présent à travers des perceptions visuelles ou auditives. La plupart du temps, les témoignages rapportent que les gens entendent des messages de paix comme “Tout va bien” ou “Je vais bien” ou encore “Ne sois pas tout le temps dans la peine”. Ce premier type de VSCD est assez bref et ne dure généralement que quelques secondes.
Il y a aussi les VSCD que les proches reçoivent via l’électricité. Beaucoup de manifestations se font à travers le téléphone, des lumières qui s’allument ou qui s’éteignent, une musique qui passe systématiquement quand on allume la radio et qui connecte avec le défunt… Le troisième type de VSCD se produit avec des animaux. Souvent, ce sont des témoignages qui impliquent des papillons, qui sont observés au plein cœur de l’hiver ou un jour de pluie. Il semble que la qualité du lien et la force du désir ne soient pas forcément les conditions première pour connaître un VSCD.
As-tu déjà été confronté à des VSCD au cours d’une séance en tant que psychiatre ?
Christophe Fauré : Oui, une expérience troublante. J’échangeais en visioconférence sur zoom avec des parents en deuil de leur enfant. Et nous avons observé un VSCD en direct. Alors que nous parlions, des icônes de “pouce en l’air” apparaissaient sur l’écran. Je pensais que c’était les parents qui utilisaient leur menu pour afficher certaines icônes et eux pensaient que c’était moi. A un moment, je leur ai demandé si c’était eux qui actionnaient le pouce en l’air. C’est comme ça que l’on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une manifestation. Ce qui est fou, c’est que ces icônes correspondaient à des caractéristiques de l’enfant. Leur fils avait l’habitude de lever le pouce sur les photos !
Les VSCD sont souvent des aides précieuses dans le processus de deuil. Le décès d’un proche entraîne un fort sentiment de manque au quotidien. Les VSCD apportent un peu de lumière et d’apaisement au milieu de cette souffrance.
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