Le 26 mars dernier, cela faisait deux ans que Léo était décédé. Ce jour est banni à jamais de notre vie. Néanmoins, il est primordial pour Charles et moi, les parents de Léo, de pouvoir vivre notre deuil comme nous le souhaitons.
Pour la première année sans Léo, nous avions passé la journée au cimetière, dans son petit jardin, à planter, replanter, décorer, aménager, penser, réaliser. Nous étions tous les deux, tous les trois plutôt, et mes parents nous y ont rejoint en fin d’après-midi. Le soir, nous avions prévu un repas convivial au restaurant avec nos proches. Ce programme, nous en avions besoin, c’était notre manière à nous de passer ce jour tant redouté.
Certaines dates hautement symboliques, cruciales et lourdes sont très difficiles à vivre tant, en amont, dans l’appréhension que dans le déroulé en lui-même. Les rituels nous aident alors à rendre ces moments plus doux, ils apparaissent comme indispensables, comme si sans eux le douloureux cap devenait insurmontable.
Des rituels de deuil indispensables mais impossibles à réaliser
Cette année, à cause de la crise sanitaire, nous n’avons rien pu faire. Nous étions confinés chez nous sans possibilité de voir nos familles et amis, sans possibilité de nous rendre au cimetière, sans possibilité de rendre hommage à notre fils comme nous l’avions imaginé. Nous avons alors essayé de recréer un petit jardin, dans le nôtre, pour pouvoir venir nous recueillir.
Mais le plus dur, dans ce confinement qui nous paraît sans fin, ce fut l’anniversaire de Léo, ses trois ans, le 13 novembre dernier. Avec Charles, nous avions pris l’habitude de fêter ce jour qui nous a rendu parents pour la première fois. La première année, huit mois après son décès, nous avions organisé un lâcher de ballons au cimetière. L’an dernier, nous avions préparé une soirée dans notre maison décorée sur le thème de l’espace avec nos familles et amis proches.
Privés de se rassembler pour fêter le jour de la naissance de notre fils
Mais cette année, Charles et moi, ainsi que le petit frère de Léo, étions seuls, chez nous, face à notre tristesse. Confinés et endeuillés. Heureusement, le cimetière était ouvert mais ce n’était malheureusement pas assez, pas à la hauteur de Léo et de notre amour pour lui.
C’était comme-ci on nous forçait à sauter ce jour si important à nos yeux, à passer à autre chose. J’en garde un goût amer et cela m’a replongé tout droit dans les abysses les plus sombres de la mort de mon fils.
J’ai parfois l’impression que cette situation me dépossède de mon deuil car je ne peux le vivre comme je le souhaite. J’ai hâte, comme chacune et chacun, de retrouver ma vie, mon quotidien et ma routine, où je peux pleurer et célébrer mon fils comme je l’entends.
Perdre un enfant, une lutte permanente pour garder la tête hors de l’eau
Peut-être n’avons-nous pas été assez attentifs aux personnes vulnérables pendant ces périodes de confinement qui remuent des blessures, des traumatismes, des états dépressifs, des deuils et qui viennent appuyer encore plus fort sur des plaies bien assez douloureuses ? Car pour tous ces cas, le mal-être ne se voit pas forcément de l’extérieur. On aurait tendance à penser qu’être assignés à domicile ne présente aucun risque, alors que pour nombreuses personnes c’est justement le fait de ne plus avoir de rythme de vie qui vient la bouleverser à nouveau.
Lorsqu’on a connu la mort de son enfant, il faut déjà et en permanence lutter avec soi-même afin de trouver des ressources physiques et psychologiques pour avancer, pour s’évader, pour prendre soin de soi, de son esprit, de sa vie sans son bébé. Le chemin semble infiniment long avant de pouvoir trouver une sorte de routine salvatrice qui nous sort, un peu, la tête hors de l’eau. Ces vitales ressources ne sont plus disponibles lorsque nous sommes privés de liberté. Il n’est plus libre de pouvoir exprimer et vivre son deuil comme on en aurait besoin, avec qui on en aurait besoin et où on en aurait besoin. Notre routine explose en plein vol.
L’isolement me met cruellement face au manque de Léo ; il n’est plus là où il devrait être. La solitude, l’ennui et le silence ne me le rappellent que trop bien.
À écouter : Le Podcast de Julie et Charles : “Malgré la mort de Léo, on s’est promis d’être heureux”
Bientôt, nous pourrons honorer nos bébés
Aujourd’hui, j’écris afin que l’on puisse porter une attention particulière à ces parents qui ne sont pas touchées en première ligne par le virus mais qui en subissent malgré-eux des conséquences qui, dans certains cas, peuvent s’avérer désastreuses.
J’ai une pensée pour tous ceux qui ont dû vivre la perte d’un bébé pendant cette longue période d’isolement et pour tous les parents endeuillés qui n’ont jamais autant subi le manque de leur enfant.
Je nous souhaite à toutes et à tous de pouvoir tout prochainement pouvoir honorer nos bébés comme ils le méritent.
Cet article leur est dédié.
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