Face à la crise sanitaire du Coronavirus, les pompes funèbres ne sont pas épargnées. Nicolas Fossier, dirigeant d’une entreprise de transports et de prestations funéraires dans la région de Montpellier tire la sonnette d’alarme.
Peu à peu, les restrictions concernant les rassemblements se durcissent, et n’épargnent pas les familles en deuil. Le nombre de personnes présentes à la cérémonie est de plus en plus limité. Comment gérez-vous la situation ?
Nicolas Fossier : C’est très compliqué pour nous. Nous n’avons toujours pas reçu, à ce jour, de directives claires du gouvernement concernant les cérémonies funéraires en temps de Coronavirus. Les crématoriums de France interdisent dorénavant la venue des familles. Mais les décisions prises par les maires ou les représentants religieux varient d’une commune à l’autre. Certaines églises ne permettent plus de rassemblements, d’autres les ont maintenus. Et les familles ont du mal à comprendre et à accepter ces restrictions. J’ai organisé hier une cérémonie au cimetière. J’ai eu beau dire à la famille de respecter une distance de sécurité entre chaque membre de l’assemblée, quelques minutes après, ils s’embrassaient et se prenaient dans les bras pour se réconforter. Comment voulez-vous leur interdire ces effusions dans un tel moment ? Hier, à l’église, une messe avait été organisée pour un défunt mais les personnes qui s’étaient déplacées ne comprenaient pas qu’on limite les entrées. Le prêtre a dû menacer de ne pas célébrer la messe pour qu’elles acceptent les consignes. Mon rôle est de pourvoir aux funérailles mais je ne suis pas gendarme et je n’ai pas l’autorité pour faire régner l’ordre dans de telles situations.
Si le rapatriement du corps ou la cérémonie ne peut pas avoir lieu, qu’allez-vous proposer aux familles ?
Nicolas Fossier : Pour lutter contre le Coronavirus, la plupart des vols sont annulés et le rapatriement d’un défunt dans son pays va devenir très compliqué, voire impossible. Les familles pourront demander une inhumation dans un caveau provisoire ou en terrain commun et reporter les funérailles. Mais les familles vont-elles bien accepter de « revivre ce deuil » six mois après ? Cela peut être très douloureux. Pour respecter le confinement et assurer la sécurité sanitaire du pays, l’ordre devrait bientôt être donné de ne plus permettre aux familles d’assister à la cérémonie de leur défunt. En tant que pompes funèbres, nous tenterons de faire au mieux mais ne disposons pas tous d’un téléphone avec caméra ou d’un caméscope pour filmer la fermeture du cercueil. Nous ne pourrons que proposer d’organiser une cérémonie dans quelques mois, sans cercueil ou au moment de la remise de l’urne ou de déposer l’objet de leur choix dans le cercueil.
Beaucoup de professionnels funéraires se plaignent de ne pas bénéficier de matériel de protection. De quel matériel disposez-vous à l’heure actuelle ?
Nicolas Fossier : Les plus prévoyants d’entre nous ont réussi à obtenir des masques en effectuant leur demande il y a quinze jours. Mais à l’heure actuelle, les fournisseurs principaux refusent de nous en envoyer et nous ne faisons pas partie de la liste des professionnels auxquels des boîtes de masques de protection, issues du stock national, peuvent être distribuées gratuitement par les pharmacies. Nous sommes pourtant en contact avec les défunts, et nous manipulons des corps, potentiellement infectés. Si 50% des personnes infectées sont asymptomatiques, il y a de fortes chances que nous soyons en contact avec des défunts malades ! Nous ne craignons pas les personnes décédées du coronavirus qui sont, elles, mises dans une housse dès leur décès à l’hôpital, mais celles dont on ne connaît pas le statut sérologique. Le virus ne meurt pas au moment du décès. Selon les études, il serait encore actif entre une à six heures après le décès. Nous prenons donc de vrais risques et ne sommes pas protégés. A ce titre, une pétition pour bénéficier des EPI (équipements de protection individuelle) au même titre que les soignants, vient d’être lancée. Nous espérons être entendus !
Pour signer la pétition, c’est ici !
Des nombreuses voix s’élèvent sur les réseaux sociaux pour dénoncer les conditions de travail des professionnels du funéraire. Que reprochez-vous au gouvernement ?
Nicolas Fossier : En type de crise, nous sommes toujours les grands oubliés ! Et malheureusement, le même scénario se répète à chaque fois. Pendant les attentats, nous avons été en première ligne, avons ramassé des cadavres à la pelle, assisté à des scènes épouvantables et notre travail n’a jamais été reconnu. Ces événements ont eu un impact psychologique fort sur beaucoup d’entre nous. Nous n’avons pourtant reçu aucun remerciement de la part du gouvernement, et aucune cellule psychologique n’a été mise en place, en dehors de nos entreprises, pour soutenir nos professionnels. Avec le Coronavirus, c’est notre santé qui est mise en jeu. Depuis les mesures de confinement, beaucoup de professionnels sont contraints de rester chez eux pour s’occuper de leurs enfants. Si le reste des effectifs tombe malade, qui s’occupera des morts qui risquent d’affluer dans les prochaines semaines ? Nous ne pourrons plus remplir notre mission de service public malgré nos demandes répétées. Il est temps de nous donner les moyens matériels d’exercer notre mission car elle est essentielle pour les familles.
De nombreux professionnels du funéraire expriment leur mécontentement sur les réseaux sociaux avec le #protectionpourlespompesfunebres.
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