Plus que mon mari, Marc était à la fois mon ami, mon amant, mon confident. Nous faisions tout ensemble et il savait tout de moi. Nous aimions dire avec dérision que nous nous suffisions à nous-mêmes. En 2020, en plein covid, nous avons appris que Marc était atteint d’un cancer particulièrement agressif, fulgurant comme on dit… Sa maladie a duré 8 mois.
J’ai commencé à écrire, à raconter…
Il a tenu jusqu’à l’anniversaire de notre fils Adam le 17 janvier, puis il est tombé dans le coma. Pendant deux jours, je suis restée auprès de lui, sur notre lit, sans quasiment quitter la chambre et j’ai commencé à écrire, à raconter. Je ressentais le besoin de “vomir” ces huit mois de maladie que nous venions de traverser, de m’en débarrasser. C’était d’autant plus cathartique que pendant quasiment toute la durée de sa maladie, j’ai vécu dans un double secret.
Marc ne s’est confié à ses meilleurs amis qu’à la veille de sa mort
Marc posait peu de questions au corps médical, uniquement les questions dont il maîtrisait les réponses. Moi qui veut toujours tout savoir, je savais qu’il était condamné et qu’il ne guérirait pas, mais j’ai respecté sa volonté et je ne le lui ai jamais dit. Nous avons vécu ce secret à huis clos puisqu’il m’a imposé le silence. Dans notre entourage, seules nos familles respectives étaient au courant de sa maladie. Le Covid nous a aidé à garder ce secret, mais j’avais le sentiment de me dédoubler lorsque je parlais au reste de mon entourage. Marc ne s’est confié à ses meilleurs amis d’enfance, son “premier cercle” qu’à la veille de sa mort, il voulait leur dire qu’il les aimait une dernière fois.
Je lui ai promis que nous serions heureux, nos enfants et moi
A posteriori, je me dis que ce silence m’a donné beaucoup de force puisqu’il me contraignait à ne jamais me plaindre et à continuer d’avancer. ll m’a fallu cependant beaucoup de temps pour accepter, avant de me relever et de me tenir droite, à ses côtés, lui qui était une leçon de vie pour moi, toujours courageux et digne. C’est ainsi que j’ai commencé mon deuil du vivant de Marc. C’est sans doute l’une des épreuves les plus difficiles que j’ai traversée : accepter l’inéluctable décès de Marc alors qu’il était encore en vie. Ça me rongeait de l’intérieur, instillant en moi de la culpabilité, de l’espoir et pire, parfois même de l’impatience. Mais malgré tout, je me dis que si j’avais eu le choix entre une mort soudaine et ce déclin tout à la fois interminable et fulgurant, j’aurais choisi la préparation, alors même que cela implique la souffrance de mon mari. Cela nous a permis de profiter l’un de l’autre et de préparer l’après a minima. Il ne m’a donné aucune instruction, il m’a seulement dit qu’il avait confiance en moi et je lui ai promis que nous serions heureux, nos enfants et moi. Il a pris le temps d’écrire une lettre pour Adam et Ethel, alors âgés de 3 et 5 ans, dans laquelle il leur raconte qu’il a été heureux toute sa vie et leur donne les clés du bonheur…
Marc nous a légué sa joie de vivre
Depuis la mort de Marc, nous continuons de le faire vivre joyeusement, grâce aux anecdotes, aux vidéos, aux photos que nous regardons et en le citant en permanence. Au début, je me suis demandée si je n’étais pas dans une forme de déni, mais ma psy m’a dit que j’étais au contraire bien ancrée dans la réalité. Aujourd’hui, je me dis que Marc nous a légué sa joie de vivre. Ma rencontre avec Marc m’avait permis de découvrir qui j’étais, sa mort m’a appris à comprendre ce dont j’ai besoin et ce qui était important pour mes enfants et moi. J’ai eu la chance, que peu de gens ont, de vivre une telle histoire d’amour, même si elle s’est arrêtée brutalement.
Noémie Sylberg est l’auteure de Vivre après Marc, publié aux éditions Hermann.
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