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“L’aidant familial et le proche accompagné dans sa fin de vie entretiennent ce que j’appelle une relation de vie dans une relation de fin de vie.”, explique Isabelle Auray. Au moment du décès, lorsque la relation cesse, commence alors un processus de deuil particulier. Les explications d’Isabelle Auray, Docteure en Psychologie et Psychologue de la Santé.

Comment se caractérise le deuil chez les proches aidants ?

La notion de pré-deuil

On peut parler de pré-deuil lorsque l’aidant prend conscience du décès à venir de son proche en fin de vie. Il comprend alors que cet accompagnement dans lequel il s’investi est limité dans la durée. “Lorsque le proche est encore en vie, l’aidant va créer, recréer ou faire perdurer un lien avec lui. Lorsqu’il prend conscience que ce lien va bientôt cesser, il est déjà dans un sorte de pré-processus de deuil.”, explique Isabelle Auray, docteure en psychologie et psychologue clinicienne.

Le vécu dépressif

En soins palliatifs à l’hôpital ou à la maison, le proche aidant peut s’investir de différentes façons dans l’accompagnement. Comme l’explique Isabelle, cet investissement contribue largement à adoucir le vécu dépressif qui caractérise le deuil selon Christophe Fauré : “A travers mes recherches, j’ai constaté que les aidants à qui on avait proposé de participer aux soins en éprouvaient des bienfaits dans les 4, 5 à 6 mois après le décès.”

Autrement dit, lorsque le proche aidant est investi dans le bien-être de la personne en fin de vie, elle peut s’appuyer sur ces éléments positifs et cela l’aide à avancer. “J’ai reçu une dame qui culpabilisait beaucoup car son mari était aux urgences mais elle se sentait inutile. Il se trouve qu’il aimait beaucoup le vin. Je lui ai proposé de lui en faire boire quelques gorgées. Apres le décès, elle était heureuse d’avoir pu partager cet instant avec lui.” Cet adoucissement du vécu dépressif s’observe particulièrement dans les fratries. Lorsqu’un des enfants s’est investi plus que les autres dans la fin de vie d’un parent, c’est généralement lui qui traversera plus facilement son deuil.

Lire aussi : Aidant familial : quelles aides pour l’accompagnement d’un proche ?

Le deuil de la fonction d’aidant

Le décès d’une personne accompagnée dans sa fin de vie laisse souvent un vide dans le quotidien du proche aidant. “L’aidant consacre énormément de temps à son proche. Il lui prépare ses repas, l’aide à faire sa toilette. Ces gestes sont ancrés dans sa vie de tous les jours puis plus rien.” Ce sentiment de vide ou d’inutilité est d’autant plus accru lorsque le proche aidant a pris un congé pour se dédier à son accompagnement.

La situation d’épuisement

“Au cours de mes accompagnements, je répète systématiquement aux aidants de prendre soin d’eux. Il est important qu’ils ne mettent pas complètement leur vie et leur santé entre parenthèse”, affirme Isabelle. Lorsque l’aidant se trouve dans une situation d’épuisement physique ou psychique au moment du décès, il est plus susceptible de traverser un deuil compliqué. “Cet épuisement va se caractériser par des “symptômes” comme des troubles du sommeil ou des difficultés de concentration par exemple”.

Lorsque le proche aidant est épuisé suite au décès, il se peut également que le deuil soit différé. “Inconsciemment, si la personne est trop fragile, elle ne va pas traiter l’information du décès tout de suite. Chez certaines personnes, cette protection se caractérise par un sur-investissement dans les formalités administratives après-décès.”

Bien que ces “symptômes” soient souvent observables chez les proches aidants en deuil, Isabelle Auray rappelle que “le deuil est un processus individuel que chaque personne s’approprie à sa manière.”

À lire : Les jeunes aidants en deuil peinent à réorganiser leur quotidien suite à la perte de leur proche


Que peut faire l’aidant pour adoucir le processus de deuil à venir ?

Au cours de l’accompagnement, certaines précautions peuvent aider à “préparer” le processus de deuil. Demander à son proche à quoi il voudrait que sa fin de vie ressemble constitue une première étape. L’interroger sur ses volontés en matière d’obsèques, si on juge son proche prêt à “entendre”, peut aussi contribuer à apaiser celui qui reste au moment du décès. “Demandez-lui s’il souhaite une crémation ou une inhumation, l’endroit où il aimerait être enterré ou le lieu de dispersion de ses cendres et s’il préfère une cérémonie civile ou religieuse. Ce sont des questions simples mais qui apportent beaucoup, à l’accompagnant comme à l’accompagné.”

Contrairement à la croyance commune, les personnes accompagnées apprécient parler de la mort. De plus, cette conversation, parfois difficile, allège au moment du processus de deuil. “Lorsque la santé de mon père s’est aggravée, j’ai eu l’occasion de discuter de la mort avec lui. Il m’a donné le titre d’une chanson qu’il souhaitait que l’on passe à son enterrement. Certes, les funérailles n’ont pas été moins douloureuses mais cette pause musicale nous a allégés un peu.”, confie la psychologue clinicienne.

À lire : Métiers de l’accompagnement de la fin de vie : des death doula témoignent

Apporter son aide à un aidant en deuil

“La chose la plus important lorsque l’on veut apporter son aide à un aidant en deuil est de lui donner le droit de parler sans forcément chercher à lui apporter une réponse, explique Isabelle. En tant qu’écoutant, on veut souvent apporter une réponse, même lorsque l’on ne sait pas quoi dire. Cette situation provoque généralement des maladresses, que les endeuillés ne comprennent pas toujours. “Dites à votre proche qu’il a le droit de pleurer et accueillez juste sa tristesse. Il ne vous en voudra pas de rester silencieux.” 

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