Pour supporter le vide ressenti dans un deuil, les rituels, les gestes qui relient, les au-revoir sont primordiaux. Témoignage.
Le deuil met face à un vide béant, les rituels tentent de le combler
J’ai toujours vécu avec des rituels. Ceux qui font partie de notre culture.
Ceux que ma famille instaurait pour nous. Ceux qu’ensuite je m’étais tout naturellement mise à inventer quand j’en avais besoin.
Et c’est seulement lorsque je me suis retrouvée dans des situations où il en manquait que j’ai pris conscience de leur importance…
J’avais vécu des cérémonies diverses et variées, autour de la mort. Mais il y a eu ce jour, ces jours, où un vide béant remplaça « le geste qui relie »… Pourquoi n’y en avait-il pas, dans ces moments-là ? Je tournais et retournais la question dans tous les sens, dans mon esprit.
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La souffrance liée au sentiment d’inachevé
Près de moi, il y avait des gens qui restaient suspendus à cette souffrance liée à l’inachevé. Je me souviens de cette fois où un ami s’était retrouvé à l’enterrement d’un proche. Comme celui-ci était athée, la messe avait été exclue. Et ils s’étaient alors tous retrouvés face à un vide insoutenable au cimetière, bien seuls… Sans « guide ». Sans mot. Personne n’ayant imaginé la possibilité de mettre en place « autre chose » pour leur deuil. De créer des rituels sur mesure. Démuni, chacun avait vécu ce moment en silence et en souffrance. Dans la passivité propre à ces moments de « sidération »…
Et je ne peux oublier la détresse de toutes ces femmes à qui aucune cérémonie n’a été offerte… Celles que je connais avaient porté un enfant pendant des jours, des semaines, des mois et il avait fallu s’en séparer.
La grosse tâche laissée par une histoire avortée
Le « pourquoi », je ne le regardais pas. Le « après », je le voyais planté là. C’était comme un grand blanc. Comme une grosse tâche laissée par cette histoire avortée (jamais « accompagnée »). Cet « enfant » : peut être qu’il avait « déjà » un « nom » (qu’elle se répétait tout bas) ? Un début d’ histoire du moins. Je savais bien, moi, que les histoires inachevées prennent toujours trop de place à la fin…
J’écoutais. En silence. Toutes celles qui voulaient dire. Me confier leur « secret ». Se confier. Comme si les mots (enfin libérés) pouvaient ressusciter une part du passé. Comme si, en me faisant témoin du récit, elles se donnaient à elles-mêmes ce qu’on ne leur avait pas accordé : ce droit de « partager » la peine…
Que faire de cette culpabilisation éternelle (après avoir « tiré la chasse » pour « évacuer » l’enfant / le non-enfant au Néant) ? Que faire après ce petit tour « sur le billard » : faire « comme si de rien n’était » ? Que faire de cette « photo » de l’ échographie que le gynécologue a volontairement imprimé pour les « confronter » !?
Dire au revoir à cet enfant avec des rituels et commencer son chemin de deuil
Plus tard, quand j’étais sûre que tout avait bien été dit, j’osais timidement une proposition. Et si on lui disait « au revoir » maintenant, à cet enfant ? Pas pour le « quitter » ! Jamais il ne les quitterait… Juste pour finir d’écrire les dernières lignes de ce chapitre que d’autres les avaient obligées à laisser en blanc… Et si elles le créaient, elles, pour leurs deuils, ces rituels manquants ?
Pour certaines, la photo pourrait être enterrée ou brûlée…?
Pour d’autres, une cérémonie (seule ou à plusieurs), sans le corps, pourrait s’improviser ?
Il y avait d’autres femmes qui avaient porté un enfant (lire le témoignage d’Amande qui a perdu son fils) pendant des jours, des semaines, des mois, et il s’était envolé. C’est lui, cette fois, qui était parti : en cours de route, pendant le voyage ; ou à peine après son arrivée sur Terre, en catimini. J’écoutais. En silence, les mots « libérés ».
En moi, je les voyais comme des oiseaux captifs qu’on sort de leur cage… Toute jeune, j’avais heureusement vécu d’autres types de séparation. De celle qui se font « comme il faut ». Ensemble, je veux dire…. Comme cette fois où j’ai été conviée à l’enterrement de ce bébé, dans la famille. Ensemble, nous avions pu lui dire au revoir comme il se doit. Cette perte là, nous en étions tous témoin.
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Des petits rituels de deuil, des gestes qui relient
Les années sont passées et j’ai collectionné les histoires (chuchotées). Longtemps, il m’est resté une part de chagrin, en coin. En chemin pourtant, j’ai vu que les solutions n’étaient pas loin… Pour contribuer à soigner ce vidé béant, il suffisait d’un simple « geste qui relie »! De petits « rituels » pour ces deuils. Qu’il ne fallait pas attendre. Qu’il fallait, juste, oser… J’avais expérimenté ces petits actes de « psycho-magie » bien des fois et vu leur efficacité…
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