Apéro de la mort : « On ne fait jamais son deuil. On vit avec !  »


Cette deuxième rencontre, que j’ai co-animé avec Sophie Poupard-Bonnet, coach accompagnante de deuil, a eu lieu au Bitro’K, un petit restaurant sur deux étages à Boulogne. Encore une fois, elle a été d’une grande richesse. L’occasion d’aborder la façon dont notre société, nos proches, nos collègues appréhendent le sujet du deuil. J’ai choisi d’extraire certains propos et de les partager en conservant l’anonymat des personnes présentes. Ils sont riches d’enseignement.

« J’ai perdu mon bébé peu après sa naissance. Il a fallu faire des choix difficiles, le débrancher… Moi qui suis catholique pratiquante, ce drame a mis en branle toutes mes croyances. Sa mort a fait de moi une amputée. J’avais envie de crier au monde ma douleur. Je n’avais pas envie de faire semblant. J’étais une mère qui avait perdu son enfant. Plus rien ne serait comme avant. Et à d’autres moments, j’avais envie de me fondre dans la masse et d’être comme tout le monde… »

« On n’a jamais reparlé du suicide de mon frère »

« J’avais 15 ans quand mon frère de vingt ans s’est suicidé ! Ça a été un sujet tabou, rangé dans un placard par toute la famille. Nous n’avons jamais reparlé de ce drame. J’ai aujourd’hui 80 ans et la douleur reste entière. »

« Mon mari est mort il y a quatre ans. Récemment, une copine m’a dit : « Ça va maintenant, tu as oublié ! ». Sa remarque m’a cisaillé le cœur. On ne fait jamais son deuil. On vit avec ! »

« Un deuil, c’est difficile d’en parler à son entourage. Ça se vit seul. C’est personnel. Ce n’est pas quelque chose que je souhaite partager avec mes proches. »

« Avant de mourir, mon mari a été en réanimation pendant cinq mois. Le corps médical ne souhaitait pas que mes enfants de 8, 10 et 18 ans viennent lui rendre visite. Je ne les ai pas écoutés. Ils sont venus au chevet de leur père avec leur regard d’enfants. Ils ont communiqué avec lui à leur façon… Quand mon mari est mort, tout le monde avait peur pour eux. Comment allaient-ils se construire avec cette absence ? Ça a été très dur. Mais j’ai banni les non-dits. Surtout pas de mensonges, ni de secrets. J’évoque souvent leur père, eux aussi. Mes enfants vont bien. »


« Difficile de faire son deuil dans cette société de performance qui ne laisse pas de place à la fragilité »

« Avant, on portait le deuil. Les gens savaient que nous traversions une période difficile. Aujourd’hui, plus rien ne permet de manifester son chagrin. Notre société de performance ne laisse aucune place à la fragilité. Le deuil est devenu un sujet tabou et notre société n’a plus le mode d’emploi. Que dire, que faire avec quelqu’un en deuil ? L’entourage n’ose pas l’évoquer, de peur de faire encore plus mal. Et les endeuillés se sentent encore plus seuls. »

« Quand j’ai perdu mon père, j’ai été beaucoup soutenue par mes collègues. J’ai accepté leur main tendue, je m’en suis réjouis. C’était presque plus facile qu’avec ma famille qui vivait aussi son deuil à sa façon, mais pas forcément au même rythme. »

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