Vous avez récemment perdu votre papa, comment avez-vous appris sa disparition ?
Un jour où je partais amener mes enfants à l’école, le téléphone de mon mari a sonné à 8h du matin. Je vois alors que c’est ma sœur qui essaie de le contacter. Je comprends tout de suite qu’il y a « un problème » parce que mon mari s’éloigne, éloigne les enfants et puis parce que j’entends ma sœur pleurer à travers le téléphone. Ensuite il raccroche et me regarde. Mais je refuse à ce moment-là d’entendre ce qu’il a à me dire. Je lui dis que je ne veux pas savoir, je refuse de l’entendre. Je sais que ma vie va basculer et je ne le veux pas.
Que lui est-il arrivé ?
Il a eu un arrêt cardiaque massif en pleine nature… Il a été placé en coma artificiel et déclaré décédé deux jours plus tard (un scanner cérébral prouvant une inactivité définitive).
Comment se sont passées les obsèques ? Avez-vous réussi à trouver « votre » place ?
On est toujours « trop jeune » pour perdre son père… Pour le choix qui a été fait : la crémation, je dois dire qu’aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal avec ça. Je ne le digère pas… j’ai laissé faire. Je ne voulais même pas y participer mais j’ai « tenu » (pour accompagner mes proches). Mon père ne s’était jamais vraiment exprimé concernant ses volontés. Ma mère a donc fait ce qu’elle pensait être juste de par leur conversation et leur vie commune.
Ensemble, en famille, on a choisi les musiques, les textes… Par contre, personne ne voulait faire l’éloge funèbre, ni prendre le risque de la lire. C’est là que j’ai pris ma place. Ça m’allait très bien parce que j’avais besoin de le faire ! Je suis pourtant réservée de nature, je n’aime pas que tout le monde me regarde. J’ai toujours été mauvaise aux oraux et j’ai toujours refusé de lire en public. Comme je fais du théâtre depuis deux ans, j’imagine que ça a du m’aider ? Et puis l’âge aussi, en quelque sorte, maintenant, je me fiche du regard des autres globalement… Ecrire son éloge funèbre et la lire a vraiment été salutaire pour moi ! Je me suis sentie très impliquée. Et le jour du départ de son corps, j’ai été emplie d’une source de chaleur au niveau du plexus, qui est restée là quelque temps… puis s’est envolée.
Où avez-vous trouvé l’inspiration pour cet éloge funèbre ?
Quand on a appris son décès, la nuit suivante, je ne dormais pas. Et vers 3 heures du matin, les mots ont défilé dans ma tête. Je me suis levée et j’avais le besoin d’écrire tout ce qui venait. J’ai écrit 4 pages d’éloge funèbre et je n’ai pas changé un seul mot ! Qui sait qui m’a soufflé ces mots et cette force pour la lire !?
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Dans ce contexte particulier de la crise sanitaire, avez-vous eu l’impression que des choses étaient différentes ?
Pas tant que ça, au final. On a surtout attendu pour pouvoir faire la cérémonie (6 jours). Ce qui était le plus gênant, c’est qu’on aurait aimé avoir plus de contacts avec ceux qui étaient présents. Mais pour certains, en fait, je reconnais qu’on n’a pas pu résister à ce besoin de se toucher ! La douleur était trop forte… Le jour de la cérémonie, pour moi, mon père n’était « plus là », il était parti depuis longtemps et ce cercueil ne le « représentait » pas.
Avez-vous le sentiment de rester en lien avec votre père, par-delà la mort ?
C’était un homme qui « ne s’est jamais arrêté » (même à la retraite). C’était aussi un épicurien, il profitait de la vie. Il était le plus heureux des hommes lorsqu’il partageait un bon repas en famille, avec ses petits-enfants qu’il chérissait et espérait voir grandir… Avec moi la relation était tendre, douce, complice. La dernière chose qu’on a fait ensemble, c’est l’installation de l’arrosage dans mon potager ! Mais on a parfois eu des désaccords aussi. Il était sensible et ne comprenait pas toujours mes choix. Je me sens toujours très reliée à lui !
Mon père adorait les oiseaux, il passait son temps à les admirer chez moi. Et dès que je parle de lui, étrangement, il y a un petit oiseau qui se pose devant ma fenêtre et qui me regarde (un rouge gorge) ! Il m’a donné la force de faire 7 heures de route, seule, alors que je le savais en fin de vie. Il m’a donné la force de lire son hommage. Il était très doué pour le dessin, je lui ai « demandé de l’aide » pour réussir à illustrer mon premier album pour enfants (grâce à lui, j’ai réussi) ! Il m’a aussi guidée, une semaine après sa mort, pour retrouver sa montre, perdue en pleine nature (à l’endroit où il est tombé).
Je ne pense pas que « j’accepterais » sa mort un jour, il faudra juste apprendre à vivre sans lui et ça va être dur. Mais il y a tellement de « signes » … Souvent, je croise les doigts pour que ça continue toute ma vie, ce lien, car ça me permet de tenir.
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