En période de coronavirus, l’enterrement musulman est chamboulé, non seulement par les nouvelles restrictions, mais aussi par la fermeture des frontières. Mohammed Bououden, directeur de pompes funèbres musulmanes à Nantes, nous en dit plus sur les conséquences et solutions mises en place pour les familles endeuillées.
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Le gouvernement a annoncé des restrictions dans l’organisation des funérailles afin de protéger le personnel funéraire. Quelles en sont les répercussions sur les funérailles musulmanes ?
Le personnel funéraire ne devant pas être au contact des défunts, la communauté musulmane a dû renoncer à la toilette mortuaire. Il s’agit pourtant d’un moment essentiel de purification dans le rituel funéraire musulman. Pour le remplacer, nous réalisons, à l’hôpital, des ablutions sèches après la mise en bière. Cela consiste à passer une pierre au dessus du corps, à travers la housse mortuaire. Deux personnes sont autorisées à assister à la mise en bière et à ce rituel. A l’heure actuelle, toutes les mosquées sont fermées, il n’est donc pas possible d’y prier. Les familles le comprennent, même si elles en sont frustrées.
Quant à l’inhumation, le nombre de proches pouvant y assister est limité à quinze personnes, qui se doivent de respecter les mesures de distanciation. L’enterrement est censé avoir lieu dans les vingt-quatre heures suivant le décès mais, faute de personnel, cela prend plus de temps. A la fin des funérailles, les proches n’ont pas non plus la possibilité de jeter, tour à tour, de la terre sur le cercueil. Seul le marbrier est autorisé à réaliser ce geste, à l’aide d’une petite pelle. Toutes ces restrictions modifient les rites funéraires musulmans…
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On sait que les concessions musulmanes françaises sont peu nombreuses. Comment s’organise un enterrement musulman en période de coronavirus ?
Effectivement, dans notre secteur en Loire-Atlantique, seules les villes de Nantes et de Saint-Herblain possèdent des concessions musulmanes et celles-ci commençaient à saturer bien avant le coronavirus. Nous avons fait remonter cette information auprès de la mairie, mais aucun nouveau carré musulman n’a été créé depuis. Et les demandes de dérogation des habitants des communes alentours pour accéder aux carrés musulmans des cimetières voisins sont toujours refusées.
En cette période, le défunt est en général inhumé localement, selon les places disponibles. Si les familles le souhaitent, elles pourront exhumer le défunt à la fin de la crise sanitaire*, pour le rapatrier dans le pays d’origine de la famille. Il faut imaginer leur douleur lorsqu’on leur annonce qu’un rapatriement est impossible à l’heure actuelle…
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Effectivement, la fermeture des frontières empêche le rapatriement immédiat, tel qu’il se pratique d’ordinaire. Est-ce le cas partout ?
Cela dépend des pays. Certains ont totalement fermé leurs frontières et il est impossible d’y rapatrier les défunts. C’est le cas du Maroc, de la Tunisie, des pays du Golfe…
En Algérie, le rapatriement est possible uniquement pour les décès de mort naturelle, donc hors covid-19. Dans ce cas, il faut fournir l’acte de décès et un certificat de non-contagion, réalisé par le médecin qui a constaté le décès. Mais dans ce cas, le corps est rapatrié par cargo, c’est-à-dire sans passager. La famille ne peut donc pas assister aux funérailles. La Turquie, quant à elle, accepte le rapatriement de tous les défunts, y compris décédés du coronavirus.
*Pour une personne décédée d’une maladie contagieuse, le délai avant l’exhumation est d’un an selon la loi française. Il est conseillé néanmoins de se renseigner auprès du pays de rapatriement sur leur propre réglementation.
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