Suite au décès d’un proche, les personnes endeuillées imaginent souvent devoir traverser les cinq étapes du deuil de Kübler-Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Elles sont aujourd’hui considérées comme une référence et permettent de déterminer son état émotionnel lors du processus de deuil. Aujourd’hui, ce modèle est également utilisé pour analyser diverses situations. En effet, si le décès d’un proche est vécu comme un traumatisme, il en est de même pour d’autre perte (licenciement, échec entrepreunarial, divorce, retraite…). A titre d’exemple, après un liecenciement, il n’est pas rare de traverser deux étapes : la colère et la dépression.
Avec les années, on a presque oublié l’origine des cinq étapes du deuil qui sont nées de bien d’autres choses : l’observation du vécu de patients en soins palliatifs.
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Elisabeth Kübler-Ross, une pionnière de la fin de vie
En 1957, elle se rend aux Etats-Unis avec son mari et obtient cinq ans plus tard son titre de psychiatre à l’Université du Colorado. Durant son internat, elle découvre, stupéfaite, la façon dont on meurt dans la société américaine : seul et sans aucune considération. Elle constate la pudeur et la gêne qui entourent la fin de vie et qui empêchent un bon accompagnement des personnes mourantes par le personnel soignant. Fort de son constat, elle étudie le sujet en côtoyant ceux qui y sont confrontés au quotidien : les patients en fin de vie.
Le début de son travail face à la « conspiracy of silence »
Elle se rend dans un hôpital de 600 lits pour débuter son étude. Là-bas, elle fait face à ce qu’elle appelle “conspiracy of silence”, c’est-à-dire la culture du silence. Des médecins qui se refusent à évoquer la mortalité. Ce mutisme révèle une problématique de l’époque et malheureusement encore actuelle : l’incapacité des soignants à affronter la fin de vie et la mort quasi imminente.
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En 1975, elle devient célèbre en publiant son livre On Death and Dying (en français Les derniers instant de vie) qui décrit pour la première fois cinq étapes du processus de deuil. Immédiatement, le succès du livre la submerge. En évoquant la mortalité dans les hôpitaux, elle fait l’objet de nombreuses critiques de la part de ses collègues. “Je n’ai rien inventé, j’ai seulement pris le temps de m’asseoir et de les (les personnes mourantes) écouter”, leur répondait-elle.
Son travail lui aura valu d’apparaître parmi les cent plus importants penseurs du 20ème siècle du Time en 1999 et aura révolutionné la vision de la fin de vie dans le monde médical.
L’origine du modèle de Kübler-Ross : le deuil de soi-même
Kübler-Ross a conduit près de 500 entretiens avec des patients en phase terminale pour recueillir leur perception de la mort. Si aujourd’hui, les 5 étapes de Kübler-Ross sont associées aux émotions ressenties face au deuil, elles sont, en réalité, basées sur le témoignage de ceux qui font face à l’annonce de leur propre mort. Il s’agit donc d’un autre type de deuil : le deuil de soi-même. Contrairement à un individu qui perd un proche, une personne mourante doit se préparer à perdre toutes les personnes qu’il a aimé.
Très vite, elle a remarqué des similitudes de comportement face à la mort chez les patients, comme celle du déni. En témoigne, cet entretien filmé avec un jeune homme d’une trentaine d’années, diagnostiqué 10 jours plus tôt d’un cancer. Celui-ci, confronté à un diagnostic brutal, nie complètement la réalité et pense sortir de l’hôpital d’ici quelques jours.
L’utilisation du modèle de Kübler-Ross en milieu hospitalier
Dans le passé, les personnes en fin de vie mouraient entourées de leurs proches. On leur servait de la soupe, on leur racontait des histoires et on les accompagnait jusqu’à la fin. Le deuil était alors moins brutal. Aujourd’hui, 60% des gens meurent à l’hôpital, dans les services de soins palliatifs. La mort est devenue une expérience individuelle et dépersonnalisée. Dans On Death and Dying, Kübler-Ross donne la parole aux patients mourants pour comprendre comment améliorer leur fin de vie. Elle y explique notamment quel rôle peut jouer le personnel soignant auprès des mourants. Ces derniers ont besoin de se sentir considérés et écoutés. Le modèle de Kübler-Ross nous aura permis de mieux comprendre le cheminement personnel effectué lorsque l’on s’approche de la mort. Un outil pédagogique précieux pour nombre d’entre nous.
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Les cinq étapes du deuil, un modèle interprété à tort
« Jamais il n’a été question de diviser l’évolution d’un processus aussi complexe que le deuil, en paliers clairement distincts les uns des autres”, expliquent David Kessler et Elisabeth Kübler-Ross dans un ouvrage publié en 2005, un an après la mort de la psychiatre. En effet, Elisabeth Kübler-Ross n’a jamais imposé son travail comme la “bonne” façon de vivre un deuil. Cette interprétation impose une norme sur un processus très intime et personnel. Pour déconstruire cette croyance, les deux auteurs insistent sur le fait que les cinq étapes “ne sont pas des jalons définissant une chronologie linéaire du deuil”. Comme elle l’exprimait de son vivant, son modèle n’est rien de plus qu’un outil pour “aider à mieux affronter la vie et la mort”.
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