Le féminicide, acte d’une violence inqualifiable, laisse des cicatrices profondes chez l’enfant de la victime. Son monde est bouleversé de manière irrévocable. Alors comment vit-il ce deuil si particulier ? Hélène Romano, spécialiste des deuils traumatiques, nous apporte son éclairage.
Comment ce deuil traumatique impacte-t-il les enfants ?
La perte de confiance envers l’adulte
Le féminicide est un acte criminel généralement perpétré par le conjoint de la victime. Pour les enfants, ce geste implique le décès de leur mère, mais également la perte de leur figure paternelle.
“Le père est envisagé par l’enfant comme le parent protecteur. Lorsque c’est lui qui tue la mère, l’acte attaque violemment son sentiment de sécurité. La confiance aux adultes est alors complètement ébranlée.”, affirme la psychologue Hélène Romano.
Un lourd silence
Si les féminicides sont des crimes très médiatisés, un lourd silence peut ensuite être imposé aux proches des victimes, les empêchant alors de s’exprimer. Et ce tabou touche particulièrement les enfants.
“J’ai eu le cas de deux enfants dont le père a tué la maman d’une balle dans la tête. Après le drame, l’un des enfants a commencé à parler à ses camarades de classe d’un dragon qui serait entré dans la tête de son papa et qui l’aurait poussé à tuer sa maman. D’autres parents d’élèves se sont plaints de ces récits choquants à la maîtresse qui a décidé de punir les enfants. Elle les faisait mettre les mains sur la tête en leur interdisant de parler de leur maman.”, raconte Hélène Romano.
Lorsqu’un enfant perd un parent atteint d’un cancer, l’entourage et les relations extérieures sont prêtes à accueillir leur parole. À l’inverse, le sujet du meurtre crée le malaise et personne ne veut l’aborder. Cette différence de traitement parasite malheureusement le processus de deuil. Il est pourtant essentiel pour un enfant de pouvoir dialoguer ouvertement sur ce qu’il a compris du drame et sur ce qu’il ressent.
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Un deuil multiple
Lorsque le féminicide a lieu au domicile, le foyer est considéré comme une scène de crime. Des scellés sont donc posés par les autorités et les enfants doivent quitter les lieux. Ce déracinement forcé est vécu comme une double peine.
Pour la spécialiste des deuils traumatiques, cette situation s’apparente aussi à un deuil multiple. “L’enfant a perdu sa mère, son père est en prison, a disparu ou dans certains cas est mort et par-dessous tout cela, il n’a plus sa maison ni ses affaires.” Or, durant l’enfance, il est essentiel de fournir un cadre stable pour permettre à l’enfant de s’épanouir. “Lorsque j’intervenais avec le SAMU, j’avais pour habitude de donner à la police une liste d’affaires à ramasser pour les enfants. Généralement, il s’agissait d’un tee-shirt, d’un doudou ou d’un cartable. Sans ça, ils n’ont plus rien.”, confie Hélène Romano.
Un bouleversement familial
Dans la plupart des cas de féminicides, les enfants sont pris en charge par la famille. Toutefois, il arrive qu’ils soient placés quelque temps en famille d’accueil avant que le juge n’évalue la famille.
“Je connais des juges qui, refusent systématiquement, de confier les enfants à la famille paternelle, mais aussi maternelle, par crainte que l’enfant soit utilisé pour réparer le deuil.”, confie la psychologue. “Ils sont donc placés en famille d’accueil ou en foyer et ce manque de stabilité affecte beaucoup les enfants.”
Faut-il dire la vérité aux enfants ?
À la question délicate d’informer les enfants du drame, Hélène Romano n’hésite pas : la réponse est oui. “Un enfant a horreur du vide.”, explique la spécialiste. “Il veut comprendre ce qu’il se passe et il finira par avoir des informations, malgré les tentatives de protection de son entourage. Il va entendre la nourrice en parler ou intercepter les mots d’un policier lors d’une visite. D’ailleurs, à l’adolescence, il pourra rechercher les informations dont il a besoin sur Internet et s’il découvre qu’on lui a menti, la relation de confiance peut être rompue.”
Évoquer les circonstances du drame est essentiel, comme le rappelle la psychologue. “L’enfant est témoin du changement au sein de son environnement. Sa mère n’est plus là, tout comme sa figure paternelle.” En effet, dans tous les cas de féminicides, l’homme, qu’il s’agisse d’une fugue, d’un suicide ou d’une incarcération, quitte le domicile et l’enfant. Il faut donc lui donner une explication.
Comment expliquer le drame à un enfant ?
Il y a quelques années, Hélène Romano se rend sur une scène de crime. La maman est décédée.
“Les enfants étaient endormis pendant le drame. Lorsque je suis arrivée sur place, j’ai demandé au policier s’ils avaient informé les petits de ce qu’il s’était passé. Ils m’ont répondu ‘Ils le savent bien’.”
Pourtant, l’annonce du décès revêt une importance capitale pour le processus de deuil. “Il est préférable de dire quelque chose comme ‘On a appris par la police que papa avait fait quelque chose de très grave. Les docteurs sont venus et ont dit que maman était morte’.”, explique la spécialiste.
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Que faire pour aider les enfants dans leur processus de deuil ?
Accompagner les enfants en deuil à la suite d’un féminicide constitue une tâche complexe mais cruciale pour leur bien-être.
Premièrement, il est essentiel de leur offrir un soutien inconditionnel, de leur permettre de s’exprimer et de trouver des réponses à leurs questions. La première étape est donc de leur donner l’opportunité de participer à un espace de parole. Si vous ne vous sentez pas assez à l’aise pour remplir ce rôle ou si l’enfant émet des objections à discuter avec vous, sachez que certaines associations proposent des groupes de parole entre enfants.
En effectuant le parcours Je vis un deuil, vous accéderez également à des livres, des témoignages et d’autres ressources personnalisées en fonction des besoins et de l’âge de l’enfant touché par le deuil.
Enfin, si vous êtes confronté à cette situation, il peut être bénéfique de se renseigner sur le processus de deuil chez l’enfant. Vous serez en mesure de mieux comprendre ses réactions et d’anticiper ses besoins. Si vous avez le sentiment d’être dépassé, n’hésitez pas à faire appel à une association d’accompagnement du deuil ou à un professionnel spécialisé pour prendre le relais.
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