Après plusieurs mois d’indécision, Emmanuel Macron définissait enfin les contours du projet de loi sur la fin de vie, le 10 mars dernier. Une déclaration qui suscite depuis de vives réactions de la part de la communauté médicale. Organisé les 19 et 20 mars dernier, le Grand débat des Assises Nationales des Soins en EHPAD s’est tenu dans ce cadre brûlant. L’occasion pour les quatre experts présents de revenir sur la proposition du gouvernement.
Premier à prendre la parole, Jean-Luc Romero, Président d’honneur de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, entame le débat sur “cette question qui nous concerne tous et qui élève la société”. Lors de son intervention, il pointe l’importance de donner le choix aux patients jusqu’au bout et de les laisser libres de leurs décisions concernant leur accompagnement médical.
Le projet de loi contenant deux volets, l’un sur l’aide à mourir et l’autre sur les soins palliatifs, il insiste sur la complémentarité de ses soins. Ajoutant dans le même temps que “les soins palliatifs ne résolvent pas toutes les solutions” et que “dire que l’on est capable de soulager toutes les douleurs physiques et psychiques, ça n’est pas vrai.”. Se voulant rassurant, il termine sur quelques mots à l’égard des soignants les plus réticents : “Jamais, vous ne serez obligé de faire ce soin ultime.”.
Une intervention qui n’a pas trouvé entièrement écho auprès de ces confrères présents sur scène a commencé par Anne De La Tour, Médecin et cheffe de service en soins palliatifs de la Maison médicale Jeanne Garnier à Paris. De son point de vue, la loi Claeys-Leonetti ne nécessite pas d’ajout. Adoptée en 2016, elle prévoit une sédation profonde dans des situations définies pour soulager le malade dans un pronostic à court terme.
Un système de santé à revoir
Bien qu’il ne rejette pas l’ensemble des propositions faites par le gouvernement, Franck Chauvin, Médecin de Santé public, se veut davantage pragmatique. “Si nous ne modifions pas notre système de santé, nous ne répondrons pas à la demande de nos citoyens.”
Face à une société qui surmédicalise le décès, il est, d’après lui, primordial de satisfaire les décisions des patients en fin de vie. Aujourd’hui, 53 % des personnes meurent à l’hôpital alors que 81 % des Français veulent passer leurs derniers instants chez eux, selon l’observatoire Nationale. “En Italie par exemple, il n’y a pas de mutation vers les urgences pour un patient en fin de vie. Ils ont trouvé un système qui fonctionne et dont nous pourrions nous inspirer.”, ajoute-t-il. Une opinion partagée par Eric Kariger, Directeur médical Maison de famille et auteur Ma vérité sur l’affaire Lambert.
Une remise en cause du suicide assisté en présence d’un proche
Un point en particulier attire l’attention d’Anne De La Tour : la possibilité de faire intervenir un proche lors de l’administration de la substance létale.
“Je pense que mettre un proche dans cette histoire-là, c’est suicidaire pour lui. Je vois très mal un proche qui va porter toute sa vie le fait d’avoir fait mourir sa mère ou son père, même si son parent le demande.”, explique-t-elle.
Une loi sur la fin de vie aux perspectives floues
Dubitative sur l’ouverture d’unités de soins palliatifs supplémentaires, Anne De la Tour n’hésite pas à illustrer la situation par la fermeture de l’unique service des Yvelines. En cause ? Le manque de personnel. Une difficulté à laquelle la médecin est elle-même confrontée. Pourtant, Emmanuel Macron a annoncé qu’une unité verra le jour dans les 21 départements qui en sont toujours dépourvus. Difficile de l’envisager pour le moment.
Lors de son intervention, Eric Kariger pointe également l’aspect laxiste de la proposition de loi dont les contours ne seraient pas si nets que cela. “Si le législateur décide de dépénaliser l’euthanasie et le suicide assisté en situation exceptionnelle, est-il possible de mettre un cadre qui évitera les abus ?”, questionne-t-il.
Présenté en Conseil des ministres en avril, le texte sera débattu à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai. Nous en saurons donc davantage très bientôt.
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