Je m’appelle Audrey, j’ai 38 ans, je suis maman d’une petite fille de onze ans et je vais bientôt mourir. La mort est un sujet auquel j’ai toujours été sensible, sans aucune raison particulière. Je la vois simplement comme une étape qui fait partie de la vie et à laquelle il est important de réfléchir. En 2017, j’ai commencé à avoir des problèmes de santé. Puis en 2020, on m’a diagnostiqué la maladie de Charcot. Rapidement, le diagnostic m’a obligé à faire face à de nombreux deuils de ma vie d’avant. Ma rencontre avec Alizée, Neztoile à l’hôpital de la Réunion, m’a permis d’aborder le sujet de ma fin de vie avec légèreté et joie et m’a fait réaliser que je pouvais la choisir, ainsi que mes obsèques. Ma mort est certaine, et c’est une certitude contre laquelle je ne peux pas me battre. Maintenant, elle est ancrée dans ma réalité.
“J’ai raté mon mariage, je ne raterai pas mon enterrement”
Comme j’ai l’habitude de le dire, j’ai raté mon mariage, je ne raterai pas mon enterrement ! J’ai envie d’une cérémonie à mon image, d’un moment douillet pour mes proches. C’est dur d’être confrontée à sa propre fin de vie mais ce sont mes proches qui souffriront le plus. Alizée m’a suggéré l’idée de préparer un “death planer”, un classeur mentionnant mes volontés pour mon enterrement. Mettre de l’ordre dans mes idées m’aidera à en parler à mes proches. Parmi mes souhaits, je souhaite que mes funérailles soient bercées de musique et que des origamis en forme de papillons soient posés sur mon cercueil. J’envisage d’ailleurs d’organiser des ateliers origamis avec mon entourage, tant que je le peux encore. C’est un peu délicat car je crains de brusquer mes proches mais ça permettrait de créer de beaux souvenirs, pour moi comme pour eux.
“Préparer sa mort, ce n’est pas l’inviter à venir plus rapidement”
Avec mes proches, je peine à aborder le sujet de ma fin de vie. La mort est un sujet tabou. Personne n’est jamais vraiment prêt à en parler. Lorsque j’ose en parler, on assimile mon comportement à une forme de renoncement, comme si je l’invitais à venir plus rapidement ! À l’hôpital, j’avais fait écrire sur la fenêtre de la chambre cette fameuse phrase “j’ai raté mon mariage, je ne raterai pas mon enterrement”. Les soignants peinent à devoir faire face à tant d’impuissance. Quand j’ai dit que je ne voulais plus de protocole de soins, la première réaction a été : “Ohlala mais elle renonce à se battre, elle ne se rend pas compte…” Pourtant, c’est MON corps. Ça devrait être MON choix et il ne devrait pas être remis en question. Le silence qui entoure ma mort me fait souffrir. Pour moi, c’est essentiel de pouvoir partager ma fin de vie. Je ne veux pas avoir l’impression de l’imposer mais j’ai besoin d’avoir des interlocuteurs prêts à m’entendre.
“Il y aura toujours de la tristesse dans les moments joyeux et des moments joyeux dans la tristesse”
Pour la préparation de mes obsèques, j’ai rencontré le même problème. J’appréhendais énormément d’en parler avec maman. Elle vit en métropole et moi à la Réunion. Elle ne peut pas être présente pour m’accompagner comme elle le souhaiterais. Lorsque je lui ai parlé de mes rencontres avec Alizée et de mes obsèques, elle s’est mise en tête de chercher une belle robe pour ses propres funérailles. Avec mon compagnon, ça a été assez dur. Parfois, en écoutant un morceau de musique, je lui disais qu’elle ferait une belle mélodie pour ma cérémonie d’obsèques mais il se refermait totalement. Aujourd’hui, il s’est ouvert au dialogue. Il m’encourage même à en parler et me soutient. C’est d’ailleurs lui qui m’a acheté mon “death planer”. C’est un grand pas en avant pour lui. Comme le dit si bien Alizée, il y aura toujours de la tristesse dans les moments joyeux et des moments joyeux dans la tristesse. C’est devenu une sorte de mantra.
“Quand le diagnostic est tombé, j’ai dit à ma fille de onze ans que je n’allais pas guérir”
Entre les premiers symptômes et la pose du diagnostic final, trois ans se sont écoulés. Au départ, ma fille me demandait régulièrement si j’allais mieux et si j’allais guérir. Mais quand le diagnostic est tombé, je lui ai dit la vérité. Pas question de lui mentir. Avec mon le papa de ma fille et mon compagnon actuel, on aborde nos émotions sans faux semblant. Ça l’aide à comprendre ce qu’il se passe. J’oscille entre la joie et les larmes. Je me sens libre de lui expliquer ce que je ressens. L’évolution de la maladie me handicape et il y a des choses que je ne peux plus faire. Nous n’avons plus la même vie. Il y a souvent des soignants à la maison, je suis souvent fatiguée… En parler permet de rendre tout ça moins inquiétant. Il faut parler de la mort aux enfants.
“Je n’ai plus aucun regret à dire stop maintenant”
J’ai rapidement dû arrêter mon activité de naturopathe et de conseillère en portage de bébés car mes mains ont été les premières à être touchées par la maladie. J’ai dû en faire le deuil. Aujourd’hui, mes journées sont rythmées par la maladie. J’ai l’impression que lutter contre ce poids lourd est devenu un travail à plein temps ! Je préfèrerais me concentrer sur des choses qui me font vraiment plaisir comme planifier un voyage avec ma fille. Mon dernier protocole de soins s’est mal passé. J’étais épuisée, j’ai eu énormément de douleurs, des nuits de sommeil hachées et de vilains effets secondaires. Depuis, je n’ai aucun regret à dire stop. Inutile de prolonger ma vie pour souffrir davantage. À moi de cultiver le temps qu’il me reste à vivre comme je l’entends.
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