Humusation : tout ce qu’il faut savoir sur ces obsèques écologiques


Depuis mai 2019, la réduction organique naturelle, technique d’humification qui consiste à composter le corps est autorisée dans certains états américains. En Belgique et en France, des associations militent pour faire connaître l’humusation, technique d’humification très similaire et incitent les politiques à légaliser cette pratique funéraire.

L’humusation : quel devenir pour le corps du défunt ?

L’humusation est une technique funéraire écologique consistant à déposer le corps du défunt dans un compost dédié. Fini le cercueil ! Le défunt est enveloppé dans un simple linceul, constitué d’un tissu biodégradable. “Il faut le moins d’obstacle possible entre le microbiote intestinal et la microfaune du sol” explique Francis Busigny, fondateur de la fondation belge Métamorphose pour mourir…… puis donner la vie.

Le corps est ainsi déposé à la surface de la terre, sans être enterré. “À deux mètres de profondeur, il n’y a pas de vie” remarque Francis Busigny. Pour se décomposer, le corps est entouré d’environ 2m³ de résidus de bois d’élagage et recouvert d’une couche de feuilles mortes et de paille. La famille peut également fleurs lors de la cérémonie. Le corps repose 12 mois, le temps de sa décomposition, dans des espaces dédiés.

Une décomposition organique naturelle

“Dès 2 ou 3 mois, la chair s’est décomposée, grâce à la température et aux micro-organismes”, précise Francis Busigny. Lors de cette étape, l’humusateur agréé retire du corps les éléments non biodégradables : pacemaker, prothèse en silicone… Puis, les os et dents sont également « moulinés » pour s’intégrer plus aisément à la terre.

Après 12 mois de décomposition, le défunt devient un “humus sain et fertile”,  soit un engrais. Il peut ainsi être réintégré à la terre pour retrouver le cycle de la nature et du vivant. D’après Francis Busigny, il ne suffira que de 1% de l’humus produit par le défunt pour faire naître l’arbre de recueillement pour les familles. Le reste sera utilisé au profit de terrains dont la qualité de la terre a été attaquée par l’exploitation humaine.


Quelle différence avec la « recomposition » à l’américaine ?

Toutes les deux s’inspirent de la même technique, déjà expérimentée, du compostage d’animaux morts directement dans les fermes. Pour autant, la « recomposition » à l’américaine est différente de l’humusation défendue en Belgique.

Le processus de recomposition se fait dans un cylindre, en intérieur. Dans celui-ci sont réunis les produits naturels comme les broyats de bois et le foin, mais le reste est maîtrisé artificiellement. La décomposition est activée par une température élevée et l’aération y est régulière. Ainsi, le corps se décompose en un mois contre 12 avec l’humusation.

Pour Francis Busigny, la solution américaine n’est pas aussi efficace que l’humusation, utilisant la micro-faune du sol à même la terre. Selon lui, la recomposition ne peut obtenir les « caractéristiques des sols auto-fertiles résistant à l’érosion ».

Toutefois, l’isolement de la recomposition rassurent les familles craignant la venue de charognards lors de l’humusation. « Les matières recouvrant le défunt empêchent l’émanation d’odeurs des corps en décomposition, ce qui évite de tenter des charognards », souligne Francis Busigny.  Pour s’en préserver, il suffirait donc de clôturer les espaces. »

Combien coûte l’humusation ?

Il est difficile de définir clairement le coût de l’humusation pour le moment.

Le président de la fondation belge mise sur une économie de 400 à 500 € sur le cercueil par rapport à une inhumation ou une crémation. En effet, aucun cercueil n’est nécessaire dans le cadre d’une humusation. Cependant, les cercueils pourraient être loués le temps de la cérémonie, comme pour l’aquamation au Canada.

« L’humusation va apparaître comme la solution idéale face à  l’accroissement du prix des énergies fossiles, utilisées dans les techniques funéraires classiques », ajoute t-il. Toutefois, « il faudra ajouter le coût de main d’oeuvre des humusateurs agréés. Mais c’est positif, cela va créer des emplois ! ».

Selon lui, la famille n’aura à payer qu’un an de concession au “Jardin-Forêt de la Métamorphose”, le temps de l’humusation. Rien en comparaison des dizaines d’années de concessions dans les cimetières ou columbariums”.

Il évalue alors, sur l’ensemble des funérailles, 2000 à 3000 € d’économie, ce qui est loin d’être négligeable.


À quand la légalisation de l’humusation en France ?

En 2016, la sénatrice du Rhône Elisabeth Lamure avait interpellé le ministre de l’intérieur au sujet de l’humusation. Celui-ci avait répliqué que les éléments entourant ce processus ne possédaient pas de “statut juridique”. Ainsi, une réflexion approfondie devait être engagée dans le cadre du Conseil national des opérations funéraires (CNOF). Pour autant, quelques années plus tard, leurs conclusions se font encore attendre…

Puis, en décembre 2021, l’espoir de voir un jour l’humusation légalisée sur le territoire français est ravivé. La député Élodie Jacquier-Laforge dépose un amendement réclamant le lancement d’une expérimentation de cette technique funéraire en France. Celui-ci est rapidement refusé.

Malgré ce premier échec, la député revient en janvier 2023 avec une nouvelle proposition de loi. “Ce n’est pas un sujet politique. C’est juste une nouvelle méthode funéraire répondant à une demande sociétale de préservation de l’environnement.”, a-t-elle affirmé.

Et en effet, 46% des Français.e.s seraient prêts à recourir à l’humification selon un sondage réalisé par Opinionways pour l’association Humo Sapiens et MAIF en septembre 2022.

« Cette étude menée avec la MAIF est une première étape. C’est une boussole pour mesurer les attentes des français en matière de funérailles régénératives. Nous allons maintenant tirer les enseignements de cette étude pour réunir les conditions sociales, techniques et légales nécessaire à la reconnaissance de l’humification (ou compostage humain) en France. Une future étape sera de tester ce mode de sépulture sur un territoire en France« , explique Pierre Berneur, président de l’association Humo Sapiens.

Le chemin de l’humusation en Belgique

En Wallonie (Belgique), le Code de la Démocratie locale de Wallonie a été modifié en 2016. En effet, des points de suspension ont été ajoutés dans la liste des pratiques funéraires autorisées, laissant une possible ouverture à l’humusation. Autre changement encourageant : fin 2018, le ministère de l’environnement du gouvernement wallon a lancé la première étude officielle en vue d’une possible légalisation.

Toutefois, les résultats obtenus par le Earth Life Institute de l’UCLouvain sur les dépouilles de porcs jusqu’en 2020 n’ont pas permis de garantir l’efficacité de la technique. Malgré les contestations de la Fondation Métamorphose, qui a souligné les maladresses et multiples fautes des chercheurs lors du protocole d’expérimentation, cette nouvelle a considérablement ralenti le développement de ce nouveau mode de sépulture.

Pour Francis Busigny, président de la fondation, il devient urgent de repenser la place de l’humain par rapport à la nature. D’ailleurs, “humain et humus possèdent la même racine”, remarque-t-il. Il faut retrouver une humilité vis-à-vis du vivant. Réintégrer le corps à la nature, c’est faire preuve de “gratitude” envers la terre qui a produit tout ce qui a été nécessaire à la vie du défunt. “On ne rend pas correctement à la terre les matières organiques que nous produisons”, ajoute-t-il. « Quand on composte un corps humain, on ne le pas considère comme un déchet mais comme une “ressource”. Un ultime cadeau à la terre qui nous a accueillie. »

Et dans le reste du monde ?

De l’autre côté de l’Atlantique, l’humusation est déjà une pratique légale dans plusieurs états américains. En effet, début 2023, l’état de New York devenait le sixième à l’autoriser sur son territoire.

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Commentaires ( 5 )
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  • DANGAS

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  • Edward BORRAS

    Bonjour
    Puis-je utiliser le dessin de votre article pour lancer une pétition sur change.org
    Cordialement

    • Sarah Dumont

      Bonjour,
      Nous avons utilisé des dessins fait par un graphiste proche de la fondation belge, je pense que pour obtenir l’autorisation, il faudrait se rapprocher d’eux.
      Belle journée !

  • Edward BORRAS

    Bonjour
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    Cordialement

    • Sarah Dumont

      Bonjour,
      Nous avons utilisé des dessins fait par un graphiste proche de la fondation belge, je pense que pour obtenir l’autorisation, il faudrait se rapprocher d’eux.
      Belle journée !