Chez les Dogons, un peuple du Mali, les rites funéraires et hommages collectifs ont lieu en trois phases. L’enterrement du corps a lieu très rapidement après le décès (le corps du défunts est hissé dans les hauteurs de falaises sacrées, où il est déposé dans une grotte).
Quelques jours ou quelques mois plus tard ont lieu des cérémonies destinées à libérer son âme. Enfin, une grande cérémonie collective prend place à des intervalles plus longs (à peu près tous les cinq ans) pour l’ensemble des défunts de la période écoulée. Tout le village prépare collectivement cette fête particulièrement importante, complexe et haute en couleurs, appelée dama. Elle dure plusieurs jours et donne lieu à d’imposants rituels dansés et masqués.
À l’issue de ces festivités, les âmes des défunts peuvent intégrer le monde des ancêtres et se réincarner. Les vivants quant à eux sont libérés des prescriptions et des tabous liés à la nécessité de se protéger des âmes errantes. Le dama permet ainsi de clôturer le deuil et de lever les interdits qui y sont associés à l’échelle de tout le village.
Comment s’en inspirer : imaginer des hommages collectifs
Un tel rite en trois phases pourrait faire beaucoup de sens dans la période que nous traversons. Aux funérailles réduites par les limitations sanitaires succèderont dans un second temps des cérémonies réunissant les proches. Mais le contexte particulier appelle probablement aussi des formes de célébrations plus collectives, notamment dans les lieux où les personnes sont décédées en grand nombre dans l’isolement (hôpitaux, maisons de retraite).
Plusieurs associations de personnes ayant perdu un proche pendant la crise sanitaire réclament une journée d’hommage national en hommage aux victimes du Covid-19. Cela ferait sens aussi d’imaginer quelque chose pour les lieux où on a dû s’occuper des corps dans des conditions là aussi très difficiles (morgues, pompes funèbres, halles de Rungis, …).
Une façon de lever notre culpabilité et d’adoucir notre peine
Pendant le confinement, une forme d’interdit a touché les gestes immémoriaux que nous offrons généralement aux morts : interdiction de présence, de réunion, de toucher, de laver, … Peut-être avons-nous une douleur et une culpabilité à “lever” collectivement vis-à-vis de ce qui n’a pu être fait pour cette “génération” de morts.
Penser des hommages collectifs est une bonne piste en tout cas pour réinscrire ces décès solitaires dans notre humanité, reconnaître et adoucir la peine et la frustration particulières éprouvées par les familles mais aussi par les soignants et les professionnels du monde funéraire, confronté à un pic de décès dans des conditions sans précédent.
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Florence Plissart est poète et artiste. A travers L’Aventurine, des croquis de vie à l’encre vive, elle propose de rendre hommage à votre défunt en le racontant d’une façon originale et artistique.
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