Jean Pierre Sueur fait le point sur le monde funéraire en France


5 millions de français ont signé un contrat d’assurance obsèques pour anticiper le financement de leurs funérailles. Est-ce la seule solution pour ne pas être une charge pour ses proches ?

Jean-Pierre Sueur : « Non. Il faut savoir qu’aujourd’hui, en vertu de la loi, il est possible de prélever 5 000 euros sur le compte d’une personne défunte pour acquitter ses frais d’obsèques. Le contrat obsèques n’est donc plus forcément une formule avantageuse. En s’assurant que cette somme sera disponible sur son compte au moment de son décès, la signature d’un contrat qui peut parfois coûter au total le double du prix des obsèques et qui oblige le souscripteur à cotiser jusqu’à la fin de sa vie, devient inutile. Par ailleurs, il me paraît naturel – ce fut longtemps le cas ! – que les enfants acquittent le montant des obsèques de leurs parents. Cela sera désormais d’autant plus facile qu’une partie au moins de ce montant pourra être prélevée sur le compte des parents défunts. »


Certaines agences de pompes funèbres profitent de la vulnérabilité des familles pour faire grimper la facture des obsèques. Comment mettre fin à ces pratiques ?

Jean-Pierre Sueur : « Depuis 2008, une loi impose à tous les opérateurs funéraires agréés de communiquer des « devis-modèle » rédigés et renseignés selon un modèle établi par le ministère de l’Intérieur aux mairies des communes de plus de 5 000 habitants. Les maires ont l’obligation de les rendre publics, en les affichant ou en les diffusant sur le site Internet de la mairie. Or, une enquête menée par l’association Familles Rurales de France, en novembre 2017, a montré que seules quatre entreprises sur dix respectaient cette législation. En mai dernier, j’ai interrogé la garde des Sceaux sur les solutions envisagées pour que la loi soit respectée. Je ne lâcherai pas ce combat que je mène depuis 25 ans… Les familles, qui sont éprouvées et souvent fragilisées par un deuil, doivent être protégées. Et pour cela l’accès simple et facile à des devis comparables est une nécessité. »

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent malgré tout souscrire à ce type de contrat ?

Jean-Pierre Sueur : « Il me paraît important de rappeler qu’un contrat obsèques n’est conforme à la loi que s’il est assorti d’un devis précis et personnalisé qui doit avoir nécessairement été établi avec un opérateur funéraire. Par ailleurs, il est possible de modifier ses choix à tout moment. On peut changer le lieu des obsèques, l’entreprise choisie, le mandataire désigné ainsi que le mode d’obsèques (inhumation ou crémation) sans que cela n’entraîne d’autres frais que les frais techniques induits. Enfin, le consommateur doit rester totalement libre de choisir son entreprise de pompes funèbres. Les banques et assurances ne peuvent en aucun cas imposer aux familles un opérateur funéraire. »


En Europe du Nord, on compte de nombreux cimetières paysagés. Pourquoi est-on aussi la traîne en France ?

Jean-Pierre Sueur : « Effectivement, même si des efforts sont faits, nos cimetières ne sont pas des plus esthétiques. Les édifices construits en mémoire des défunts ne créent guère, le plus souvent, d’harmonie d’ensemble. C’est très disparate ! Et le végétal est loin d’être la priorité partout. Pour pouvoir faire de nos cimetières des havres de paix, où la nature a davantage sa place, il faudrait changer la loi et donner plus de pouvoir aux maires sur l’aménagement de leurs cimetières. J’ai abordé cette question dans un rapport du Sénat en 2006. Mais nous n’avons pas pu faire dans la loi de 2008 les avancées que j’aurais souhaitées sur ce point. C’est un sujet qui reste devant nous. »

Quatre Français sur dix se déclarent athées ou non croyants. C’est pour répondre à leurs attentes qu’une proposition de loi a été déposée en novembre 2016 pour permettre l’organisation de cérémonies dans des salles municipales. Où en est-on ?

Jean-Pierre Sueur : « Cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée Nationale. Elle sera inscrite prochainement à l’ordre du jour du Sénat. J’espère vivement qu’elle sera adoptée. Elle  imposera aux communes, disposant d’une salle municipale adaptable, de la mettre à disposition des familles qui souhaitent organiser des funérailles laïques. À la demande de la famille du défunt, un officier de l’état civil de la commune pourra procéder à la cérémonie civile. »

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