Je devais préparer le berceau de ma fille, j’ai organisé ses obsèques…


Je m’appelle Audrey, j’ai 34 ans et je suis la maman de Gabriel, qui vient d’avoir 3 ans et de Lucy. Lucy, ma première fille était initialement attendue le 25 décembre 2017. Malheureusement, j’ai accouché à 6 mois de grossesse le 25 septembre 2017. Après 5 jours de vie, Lucy est décédée. Au lieu de préparer son berceau, ce sont ses obsèques et son cercueil que nous avons dû organiser. En ce 15 octobre, journée du deuil périnatal, je prends la parole pour faire vivre le souvenir de Lucy dans les mémoires.

La maternité nous a proposé ni suivi, ni écoute 

J’ai accouché à Dijon, à une heure de route de chez moi et hors secteur de la maternité où ma grossesse était suivie. Trois jours après son décès, on nous a dit qu’on pouvait rentrer chez nous. Sans nous proposer aucun suivi, ni écoute. Le gynécologue qui s’est occupé de ma césarienne m’a même demandé comment se passaient les nuits avec le bébé. Visiblement, il n’avait même pas repris le temps de relire mon dossier.


Le jour prévu du terme, on a passé l’après-midi à faire des jeux de société 

Peu avant le terme prévue de l’accouchement, j’ai ressenti un gouffre de tristesse. La personne en charge des obsèques m’avait recommandé l’association Enfant sans nom – Parents endeuillés qui accompagne les familles touchées par la perte de leur bébé. C’est cette association qui m’a aidée à sortir la tête de l’eau et m’a sauvée.

« Ce n’est pas grave, vous êtes jeunes et vous aurez d’autres enfants »

Depuis, je m’y suis engagée comme bénévole. Je suis atterrée par le nombre de parents ébranlés par les commentaires des équipes soignantes. Que ça soit dans une situation de fausse couche précoce ou encore d’un bébé mort-né, certains discours reviennent systématiquement : “Ce n’est pas grave, vous êtes jeunes. Vous aurez d’autres enfants”. D’autres parents ne sont pas informés sur la possibilité d’organiser des obsèques et ne récupèrent pas le corps de leur bébé. Pour la journée du deuil périnatal, c’est important de le rappeler.


Pour l’anniversaire de Lucy, on organise un repas de fête autour d’un gâteau 

J’ai été hospitalisée très tôt lors de ma deuxième grossesse et j’ai été privée de mes visites quotidiennes au cimetière. Je me suis rendue compte que mettre en place des rituels pouvait les remplacer. Par exemple, j’allume toujours une bougie où que je sois. C’est une façon de la sentir à mes côtés. Mon conjoint m’a aussi fait graver un médaillon avec son prénom et ses dates. À force de le toucher, pour vérifier s’il est toujours là, j’ai effacé la gravure. Lucy aura 5 ans le 25 septembre de cette année. Comme tous les ans, on organise un repas de fête autour d’un gâteau d’anniversaire, avec les gens qui souhaitent être présents. Puis, on se retrouve ensemble au cimetière pour y déposer des fleurs et effectuer un lâcher de ballons. C’est notre manière de fêter son anniversaire et le seul jour où elle existe vraiment.

J’aimerais que les gens me parlent d’elle 

Mon entourage ne comprend pas forcément que ça soit aussi important que je la fasse exister et que je parle d’elle au présent. Son frère de trois ans connaît l’histoire, il sait qu’il a une sœur mais rien que par respect pour lui, je ne peux pas en parler tous les jours. Mes proches n’évoquent jamais Lucy pour ne pas raviver un souvenir douloureux. J’en ai pourtant besoin. Depuis j’ai eu des neveux et des nièces et comment toujours le vivant prime sur la mort. J’aimerais que les gens m’en parlent, qu’elle soit intégrée et que le sujet soit moins tabou. Je suis heureuse que la journée du deuil périnatal existe mais malheureusement, elle est souvent noyée sous Octobre Rose.

Il ne faut pas hésiter à aller chercher de l’aide 

Si j’avais un conseil à donner à des parents en deuil, c’est avant tout de ne pas hésiter à aller chercher de l’aide et accepter ce que j’appelle « les vagues ». Moi-même, lorsque je me suis surprise à rire après le décès de Lucy, je m’en suis voulue. Je ne voyais pas pourquoi j’étais joyeuse alors que je ne devais pas l’être. Je sais aujourd’hui l’importance de se laisser aller à ses émotions. Qu’on ait passé une bonne journée ou qu’on ait fait une virée shopping, ça ne signifie pas que nous ne somme plus en deuil. Le deuil est un long chemin et la voie que l’on emprunte est différente pour chacun d’entre nous, inutile de comparer nos émotions à celles de la voisine.

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