Au Japon, des centaines de milliers de personnes meurent chaque année dans la solitude et l’indifférence. Ce phénomène tristement célèbre, la population le nomme le kodokushi, autrement dit, la “mort solitaire”. On vous explique.
Le Kodokushi, c’est quoi ?
Tout commence dans les années 2000 lorsque le corps d’un homme qu’une soixantaine d’année décédé depuis trois ans est découvert dans son logement. Le propriétaire donne l’alerte lorsque s’arrêtent les paiements automatiques du loyer, prélevés chaque mois pendant les trois années. Ce fait divers fait alors la une des journaux. Comment peut-on mourir seul dans un des pays les plus peuplés du monde ? Lorsqu’en 2009, la chaîne de télévision japonaise NHK rapporte que 32 000 personnes âgées seraient mortes seules dans l’année, le gouvernement n’a plus d’autre chois que de tenter de comprendre le phénomène pour le ralentir. Des études sont menées et plusieurs potentielles raisons sont alors soulevées.
Quelles sont les raisons de cette “mort solitaire” ?
Le vieillissement de la population
Selon une étude réalisée par le Time, le phénomène de mort solitaire toucherait majoritairement les personnes de plus de 65 ans. Or, près de 30 % de la population nippone a atteint cette tranche d’âge .
L’isolement social des Japonais
Il y a encore quelques années, les traditions voulaient que la famille Japonaise, composée de plusieurs générations, cohabite sous le même toit. Aujourd’hui, la structure familiale se voit bousculée et les personnes âgées sont de plus en plus susceptibles de vivre seules et isolées. L’emploi constituant pour certaines personnes l’unique contact social, la retraite a pour effet de les couper définitivement du monde.
Le changement de relation à la mort
Masaki Ichinose, président de l’Institut des études de la mort et de la vie de l’université de Tokyo explique que l’augmentation du kodokushi peut être également liée au changement de regards porté par la population japonaise sur la mort. Il y a plusieurs années, les japonais prenaient eux-mêmes soins de leurs morts à domicile. Mais dans le Japon moderne, la mort est reléguée la plupart du temps aux hôpitaux. En effet, selon le Monde, 80% des Japonais meurent à l’hôpital. La mort devient donc un phénomène cloisonné et évité, ce qui contribue à l’isolement des personnes âgées et aux décès solitaires.
Le taux de natalité de plus en plus bas
Selon Masaki Ichinose, la nouvelle génération de Japonais cultive l’ambition de faire carrière. La vie de famille est alors reléguée au second plan, comme les enfants. Ce changement drastique de mode de vie, contribue grandement au vieillissement de la population. Le gouvernement japonais estime que près de 40% de sa population sera âgée de plus de 65 ans en 2060. Ainsi, le nombre de Kodokushis ne cessera d’augmenter.
Quelles solutions ont été mises en place ?
Face à ce phénomène de mort solitaire, le gouvernement tente de mettre en place des mesures pour rompre l’isolement social. Selon le Washington Post, ”Quelques autorités locales ont commencé à mettre en place des services de contrôle des vieilles personnes vivant seules, et elles encouragent les voisins à garder un œil les uns sur les autres.”
“Nos vies entre les morts” : le Kodokushi raconter dans un livre
Dans son livre “Nos vies entre les morts”, Yuzu Murikawa partage avec les lecteurs la vie de son personnage, Noriko, et de son métier pas comme les autres : celui de death-cleaneuse. Au quotidien, c’est à elle qu’incombe la lourde tâche de ranger et nettoyer les logements des Kodokushis, ces personnes décédées dans une extrême solitude. Au fil des pages, on ressent le désarroi et la tristesse ressentie par Noriko, qui lutte pour ne pas se laisser hanter par les derniers instants des disparus. À travers son travail, elle remet doucement en question sa propre solitude, autrefois désirée, qui lui apparaît alors comme enfermement dont elle doit se détacher à tout prix.
Avec “Nos vies entre les morts”, l’auteure nous permet de mieux cerner le phénomène de Kodokushi, qui n’épargne pas la France (Un demi-million de personnes âgées sont en situation de mort sociale d’après l’Association des Petits-frères des pauvres), et appelle à veiller les uns sur les autres. Un roman qui donne envie de se mobiliser contre ce phénomène grandissant.
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