Dimanche 7 juin 2020, première fête des mères sans leur papa. Voilà près de quatre mois que mon mari nous a quittés, quatre mois que je redoutais et anticipais la première fête des pères sans lui. La fête des pères sans père, je connais ça moi aussi. Le mien est mort j’avais 17 ans. Eux sont encore plus jeunes… Ce que je n’avais pas anticipé, c’était la fête des mères sans celui qui m’avait faite devenir mère, parce que ce ne sont pas mes enfants qui m’ont faite mère : la maternité c’est avec lui que je l’ai créée.
Papa n’avait pas pu les emmener en secret faire quelque emplettes
Les enfants sont entrés dans la chambre, les mains vides et le coeur lourd de me souhaiter une bonne fête des mamans sans mon homme à mes côtés, sur l’oreiller. Les cadeaux je m’en fichais bien, mais c’est la tristesse que j’ai lue dans leurs yeux qui m’a fait le plus mal. C’est voir leurs petites mains se tordre de ne rien avoir à cacher dans leur dos, parce que Papa n’avait pas pu les emmener en secret faire quelques emplettes de dernière minute la veille. C’est leur complicité à eux, ces moments père/fille, père/fils qu’ils n’auront plus, que j’ai compris partis pour de bon.
Ils étaient là avec leurs mots, leur voix d’enfant, à rassurer la détresse de leur maman qui perdait pied au fond d’un lit vidé. Je n’avais rien préparé pour eux, pour leur éviter de vivre cette situation, pour alléger leur peine à eux. La mienne était trop grande. Je n’ai pas pu parce que la vérité est qu’on ne pourra pas faire comme si papa était encore là. La réalité c’est qu’ils sont orphelins, orphelins de père.
C’est une blessure qui influe sur leur scolarité
Le mot “orphelin” caractérise en effet l’enfant qui a perdu son père et sa mère, ou l’un des deux. En France, c’est en moyenne le cas d’un enfant par classe. Cela signifie qu’un enseignant aura forcément un jour dans sa classe un « orphelin ». Mes trois enfants font partie de cette statistique, comme j’en ai aussi fait partie au lycée. C’est donc pas moins de 20 enseignants (de collège et primaire) qui doivent prendre en considération leur situation. Ce n’est pas un handicap, ce n’est pas une maladie, c’est une blessure à vie qui influe sur leur scolarité.
À l’approche de la fête des mères et de la fête des pères, il me semble important de sensibiliser les enseignants, ces personnes encadrantes qui vieillent sur nos enfants et les voient souvent plus que nous dans la semaine, à cette réalité qu’on ignore, à cette blessure invisible, à cette vie à la maison avec un seul parent. Si on arrive désormais à parler sans tabou à l’école de l’immigration, du racisme, du handicap, du terrorisme religieux, de l’homosexualité… pourquoi ne pas aborder aussi le sujet de la mort ? Certains clameront que le manque de formation est responsable, je répondrai qu’il existe un site très bien fait pour les aider à aborder cette réalité : La Fondation OCIRP.
Ce sera ma fête, la leur, et puis la sienne aussi finalement
Alors cette année, comme l’année dernière, on célèbrera la fête des mères tous les quatre, sur ce nouvel équilibre fragile que nous avons réussi à trouver. La grande glissera à ses frères les cadeaux que je me suis commandée sur Vinted, ils rentreront dans ma chambre, un livre emballé chacun dans les mains, ils me cueilleront quelques fleurs du jardin, ce sera ma fête, la leur, et puis la sienne aussi finalement.
Sophie-Charlotte Chapman (@vcommevie)
Lire aussi :
- Veuves : 6 ressources précieuses pour vous aider suite au décès d’un conjoint
- Discours enterrement papa : ces poèmes qui peuvent vous inspirer
- Anniversaire papa décédé : 4 idées de rituels pour lui rendre hommage
- Décès d’un parent : à Bordeaux, des psychologues aident les familles à cheminer ensemble
Commentaires