Il y avait eu tout ce qu’il y avait eu avant (*)
Et maintenant j’étais là : dans ce cabinet médical.
Je venais de dire non.
Enfin, pas un « petit » non. Qui s’écrirait en lettres minuscules et ordinaires.
Je parle plutôt d’un « Gros » Non. Vous voyez ?
Celui qui s’écrit comme ça : « NON ! »
Avec toute la force des majuscules. Un « Grand » Non.
Venu du fin fond du corps…
Je venais pourtant de le dire tout à fait normalement. Sans mépris.
Sans colère. Avec ma « petite voix ». Ce Non-là s’étant tout simplement imposé à moi ; comme je l’imposais à la doctoresse en le formulant tout-haut.
Et comme je disais non à certaines horreurs, la chirurgienne chercha à me rattraper :
« Voulez-vous prendre un second avis médical ? »
(Ah bon, c’était possible, je me suis demandée) Je répondis : OUI !
« Je renonce à l’opération ! »
Pendant qu’elle écrivait les coordonnées d’un confrère sur un papier, j’ajoutais que je renonçais à l’opération ! Je dis ça -mais pour être précise- je pensais mot pour mot : je refuse les « amputations » ! Et le reste (les rayons et la chimio, on verrait après peut être»)… Je l’ai dit comme ça. Simplement. Avec la même force, sans crier.
Elle a dit alors qu’elle serait bien curieuse (euh, pardon, intéressée) de savoir ce qu’il penserait de mon cas ?
Que de toute façon, vu les délais « je ne serai plus dans les temps » !
Que je l’obligeais (moi ?) à sortir les grandes phrases : « Je vous rappelle que vous avez un CANCER ! »
Comme si c’était le genre de chose qu’on pouvait oublier (…)
J’ai bien cru qu’on ne me le dirait qu’une seule fois que j’allais y passer !
Mais c’est devenu une espèce de litanie discrète. Entêtante.
Les jours qui ont suivi étaient entachés des mots qui avaient été prononcés.
« Mon arrêt de mort venait d’être signé »
On dit que certaines paroles restent « inscrites dans le marbre ». J’avais le sentiment que mon arrêt de mort venait d’être signé. Je venais d’être redéfinie, en 2 minutes (par Quelqu’un-qui-sait). Je me sentais encore « vivante » -mais voilà !- j’étais maintenant dans la case des «certainement mourantes » !
C’était un peu comme si je devais traverser plusieurs petites morts dans cette Histoire…
Le Temps est passé. Et j’avais un « problème » insoluble : la Vie, en moi, palpitait vraiment fort… Je le sentais. Elle ne m’avait pas encore quittée. Mais on me prédisait l’inverse. Je me retrouvais avec deux informations contraires…
Les semaines et les mois suivants, je me suis demandée si j’allais mourir bientôt.
Je me le demandais d’une façon nouvelle.
Cette fois, je me demandais si j’allais mourir tout-à-l’heure, ou peut-être même, tout de suite ? Et mon mari a commencé à se le demander. Ma famille, mes amis, ont commencé à se le demander. Et les autres, aussi…
Plus tard, alors que je cheminais (comme une chercheuse-de-vérité) dans le Labyrinthe de cet univers médical inconnu, on me le dirait sous bien des formes, que j’étais (déjà) probablement « mourante ». A chaque étape du chemin. La plupart du temps : d’un simple regard (après consultation de ma carte vitale ou de mon « dossier »). Mais parfois de façon plus frontale. Comme ce chirurgien qui avait conclut à sa façon :
«Vous n’êtes ni soignée, ni guérie » (J’avais refusé le « Protocole de Soins »)…
Les jours sont passés, et j’ai bien vu que je n’étais pas morte. Là, maintenant. Tout de suite ! Même après la menace. Même après ce mois (« fatal ») écoulé.
Le chirurgien d’après, lui, avait dit : « N’attendez pas 6 mois ! ». Mais je prenais quand même le temps de la réflexion… Les jours et les mois sont passés. Et j’ai bien vu que je n’étais toujours pas morte. Là, maintenant. Tout de suite !
Trois ans et trois mois se sont écoulés.
(Au Présent), je vais Bien !
Suis-je déjà morte avant même de mourir ?
J’aimerais pouvoir vous dire que les sales moments s’arrêtent avec la fin du livre : mon témoignage, écrit en 2015 (*). Mais ce serait faux. Il y a quelque chose d’étrange qui se prolonge indéfiniment. J’ai l’impression d’avoir le mot « Cancer » tatoué sur le front !
Chaque fois que je fais un bilan je retrouve ce regard. Un regard « médical » qui me rappelle à l’ordre (l’Ordre Médical…). Je ne suis ni soignée, ni guérie. « Et donc », je ne suis déjà presque plus de ce monde…C’est une question de Temps.
Que je sois, ici, et maintenant (et même depuis près de 3 ans) une personne « pleine de vie » semble n’avoir aucune «importance » !
D’une certaine manière, suis-je déjà morte ? Avant même de mourir ? Voici une drôle de question que je ne m’attendais pas à trouver en chemin. J’ai appris, depuis, que certains camarades de misère meurent de se voir morts dans les yeux des autres… Et que, pour d’autres, c’est la culpabilité d’être toujours en vie qui les tue….
J’aimerais bien ne pas mourir de ces morts-là !
Il y a eu tout ce qu’il y a eu avant, et c’est comme ça.
Et maintenant, je m’applique à vivre chaque instant.
Est-ce que cela va « durer longtemps » ?
Ça, je pense que personne ne peut le décréter, en réalité (…)
A NOTER
* L’histoire ne peut pas être résumée en quelques lignes. Elle est racontée dans le récit autobiographique intitulé : « Le fil d’or » sous le nom de jeune fille de l’auteure : Laetitia Houdebine. A commander directement auprès de Laetitia Royant, en lui envoyant un mail : nomade_lh@hotmail.com, 10 € + frais de port). The golden thread, la version anglaise, sera disponible en décembre 2018.
Deux autres livres de l’auteur :
-« Je veux des funérailles écologiques ! », auto publié, 2014 (épuisé mais disponible gratuitement en version PDF : contacter l’auteure)
-« Funérailles écologiques (pour des obsèques respectueuses de l’homme et de la planète) co-écrit avec B. Lapouge, 2017, 24 €, éditions Terre Vivante
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Merci sarah et Laetitia pour ce témoignage magnifique du renoncement pur et simple, la liberté de choisir de ne pas être opérée qui finalement lui permet de mieux vivre ! A lire absolument !
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