Depuis quelques jours, Nathalie semblait découragée. Atteinte d’un cancer, son corps semblait la lâcher. Avec son conjoint Christian, ils avaient décidé de se marier religieusement. Un projet qui leur tenait à cœur depuis des années mais qui avait sans cesse été repoussé. Cette fois-ci, ils avaient décidé de sauter le pas. Et le mariage se passerait dans l’unité de soins palliatifs où elle était hospitalisée depuis de nombreuses semaines. Malgré les mois difficiles que la famille venait de traverser, ils voulaient prouver à leurs deux enfants de 13 et 16 ans, que la vie pouvait reprendre le dessus.
Les yeux de Nathalie se remettent à briller
Alors que les forces de Nathalie semblaient s’épuiser ces dernières semaines, ses yeux se sont remis à briller.
Pendant qu’une esthéticienne fait une beauté à la future mariée, notre équipe de bénévoles s’occupe de la déco, et de l’accueil de la famille. Quand nous pénétrons dans la chambre, les soignantes de services sont encore auprès de Nathalie. Ils ont placé le lit en transversale et enlevé le lit de l’accompagnant pour libérer de l’espace. Dévouée, l’équipe médicale est partie prenante de cette cérémonie exceptionnelle dans cette unité de soins palliatifs. Toute leur humanité, derrière leurs blouses blanches, jaillit dans ce projet.
Nathalie a enfilé sa robe de mariée, toute de volants chatoyants et de dentelles. Elle nous accueille d’un petit sourire. Ses grands yeux noirs nous suivent du regard. Trois bénévoles ont déjà préparé la guirlande en forme cœurs et des grosses fleurs roses qui rappellent des pivoines. Ils s’activent à tout poser sur les murs, en intercalant de gros nœuds de tulle vaporeux… J’entends l’infirmière qui demande à Nathalie si elle veut une dose de calmants. Elle refuse. Un problème surgit : personne n’a songé à apporter un foulard blanc pour cacher son crâne nu. Avec un morceau de tulle et trois fleurs piquées dans les compositions florales, une infirmière confectionne un tout petit bouquet et pare la mariée d’un bandeau à la mode 1900. Il lui va super bien !
Elle est très belle, je le lui dis. « Une vraie reine de Saba ». Elle sourit…
L’amour nous tient en unité
La famille arrive, nous nous éclipsons.
Les amis de la paroisse répètent les chants prévus pour la cérémonie et nous nous joignons à eux spontanément. Un guitariste est là pour guider les chants.
Le prêtre a enfilé son aube, et nous sommes tous réunis dans la chambre de Nathalie qui écarquille ses grands yeux en reconnaissant certaines personnes.
Le chant d’entrée s’élève et un frisson nous parcours. C’est fervent, uni, incongru aussi en ce lieu, et d’autant plus prégnant… Dès ce moment, quelque chose d’impalpable s’est emparé du lieu.
Entouré de la famille proche, du prêtre, des paroissiens et de quelques bénévoles, le marié lit un texte sur le mariage, sa voix déraille sous l’émotion. Leur fils de 16 ans part en pleurs et se retrouve dans les bras de son cousin. Leur fille ne les quitte pas du regard, et leur donne leurs alliances pour la bénédiction. Quelque chose est passée, comme « une brise légère »… Je crois pouvoir dire que l’Amour nous tenait en unité.
Une bénévole a eu l’idée merveilleuse d’aller chercher les soignants, pour qu’ils assistent au serment.
Dans cet unité de fin de soins palliatifs, la vie reprend le dessus avec ce mariage
Ils ont dit OUI. Oui pour s’aimer éternellement.
Alors, sans avoir rien prémédité, j’ai pris le seau à champagne que nous avions rempli de petits cœurs blancs, comme de gros confettis, et je les ai lancés. Cette envolée de cœurs qui nous retombaient sur la tête, c’était beau comme un lever de soleil sur la neige. Symbole de cet amour qu’ils se donnaient l’un à l’autre et qui rejaillissait en cet instant sur nous tous, comme une rosée bienfaisante. Un temps hors du temps…
On a chanté pour les mariés, un chant dont les paroles sorties du « Cantique des Cantiques » parle d’Amour, un chant doux comme une caresse. Nous avons mis des tables au milieu de la pièce, apporté les boissons et le gâteau. Nous étions 26 à trinquer à l’amour, à la vie, aux jeunes mariés !
Nous sommes sortis de la pièce. Nathalie était fatiguée. La rencontre s’est poursuivie dans la salle des familles pendant que nous rangions. Alors que son état déclinait et n’avait pas permis de retour à la maison depuis plusieurs semaines, Nathalie a pu rentrer chez elle peu après. Ce moment enchanté lui a redonné la force et le goût de vivre. Le miracle de l’amour. Boule d’énergie et de vie.
Ce texte a été écrit par une bénévole de l’association Alliance 47, jusqu’au bout, accompagner la vie.
A lire aussi :
Commentaires