Vanessa Maier, doula de fin de vie
Un déclic grâce à une ancienne infirmière en soins palliatifs
« C’est au cours d’une discussion avec ma sage-femme, auparavant infirmière en soins palliatifs, que j’ai eu le déclic. En l’écoutant me raconter son activité auprès des mourants, j’ai su immédiatement que c’était ce que je cherchais depuis si longtemps », confie-t-elle. A la suite de son parcours professionnel qui l’a amenée à travailler quatre ans comme assistante dans un cabinet médical de campagne, comme assistante administrative à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Vanessa se lance dans une formation certifiante d’accompagnement de personnes en fin de vie. Puis, elle devient bénévole en unité de soins palliatifs avant de proposer ses services de doula, payants cette fois, aux mourants et aux familles.
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Une présence attentionnée demandée par les patients en fin de vie
Les demandes émanent aussi bien des mourants que de leurs enfants. « Récemment, une fratrie m’a contactée pour intervenir auprès de leur maman, résidente en EHPAD et atteinte de la Maladie de Parkinson. Ils s’inquiétaient de la voir sombrer dans la déprime. Ils souhaitent qu’elle puisse bénéficier de ma présence attentionnée, que je lui amène quelque chose de différent, complémentaire à ce que ses proches et l’équipe soignante lui apportent. Dès ma première visite, elle a beaucoup pleuré. Elle a partagé avec moi son chagrin et m’a confié sa grande lassitude à vivre enfermée dans son corps. Des choses difficiles à dire à ses proches qu’on cherche souvent à protéger », explique-t-elle. Depuis, Vanessa la visite toutes les deux semaines pour lui offrir une bulle d’attention, de douceur et un espace d’expression.
Des connaissances médicales essentielles
En tant que Référente de l’accompagnement de la fin de vie, ses connaissances médicales l’aident aussi à faire le lien entre la famille et les professionnels de santé impliqués, à domicile comme en établissement. Décrypter le jargon hospitalier, signaler une sonnette mal placée, réclamer des soins ou signaler des manquements. Les mourants et leurs familles n’osent pas toujours exprimer leurs besoins, elle les formule alors à leur place. « Je rencontre aussi de plus en plus de personnes isolées, angoissées à l’idée de mourir seules. Je leur tiens alors la main jusqu’à leur dernier souffle et les accompagne dans ce dernier voyage. Il faudra du temps sûrement avant que notre métier soit connu et bien accepté, mais je suis convaincue qu’on peut aider à vivre ce passage plus sereinement. C’est essentiel.»
Le récit d’un de ses accompagnements dans le cadre d’un rituel de deuil
Cynthia Marion, fée en soins palliatifs
Les fées sont souvent présentes à la naissance, lorsqu’elles se penchent sur les berceaux des nouveaux-nés. Désormais, elles sont également au chevet des patients en soins palliatifs. Le personnage de Neztoile a été créé par Sandra Meunier, une art thérapeute, dans le but d’utiliser la joie comme un levier dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Depuis 2019, Cynthia revêt les habits d’Alizée, une Neztoile qui apporte de la joie aux patients en fin de vie ainsi qu’aux enfants mourants à la Réunion.
Émerveiller par la beauté au seuil de la mort
La joie intime, personnelle est intacte même lorsque l’on a l’impression que l’on a tout perdu. Le rôle de la Neztoile va être de reconnecter les patients avec cette joie, en passant par la surprise et l’imaginaire. “Quand on arrive, on n’est pas forcément très discret. On est colorées, on met de la musique, les gens nous regardent et nous suivent.” Lorsque Alizée rentre dans une chambre, c’est muni d’un sac rempli d’objets destinés à émerveiller les patients. “On a des plumes, des bougies, des fleurs, des coquillages, des post-it, des lampes, des guirlandes. » L’idée du personnage, c’est d’incarner la beauté, tant par la tenue que les objets qu’elle offre. “La beauté ouvre des portes, au même titre qu’un coucher de soleil ou un animal sauvage.”
Un soin de la joie en collaboration avec l’équipe médicale
En accompagnant une dame en fin de vie, déjà inconsciente, elle a laissé une plume sur son lit. “Le psychologue du service qui a vu la famille de cette femme après son décès m’a dit qu’ils l’avaient enterré avec la plume, comme si celle-ci l’avait accompagné dans toutes les étapes de son passage vers l’au-delà. » Avec tous ces objectifs, notamment emprunté à l’art thérapie, les Neztoiles exercent ce qu’elles appellent un art soignant.
Ce soin de la joie est une médecine compétence à part entière, qui les place au centre de l’équipe médicale. “Avec l’équipe médicale, on a besoin les uns des autres. D’ailleurs, c’est généralement eux qui contactent l’association pour que l’on vienne dans leurs services. Avant de rentrer dans la chambre d’un patient, on les consulte pour connaître son état d’esprit. Les soignants sont concentrés sur la gestion médicale du patient tandis que nous, on ramène l’âme au centre des soins.”
Une formation de clown-théâtre
Cynthia s’est formée au métier de Neztoile auprès de Sandra. “Une Neztoile doit pouvoir rebondir sur tout. Le clown-théâtre est la discipline qui permet d’entrer dans cette condition.” Bien sûr, pour accompagner les personnes en fin de vie, Cynthia a dû faire un travail sur son propre rapport à la mort. “Mon parcours en tant qu’infirmière en soins palliatifs m’avait déjà fait bossé dessus mais aussi sur la disparition et l’injustice.”
Sandra Meunier est la seule personne qui peut transmettre cet accompagnement si particulier. Si plusieurs centaines dizaines de candidates réalisent chaque année ce stage auprès de Sandra, elles ne sont qu’une quinzaine de Neztoile à exercer ce métier en France. “Sandra est très exigeante et elle se laisse le temps jusqu’au bout, d’évaluer si la personne peut incarner ce personnage et cet art-soignant. Beaucoup de gens font des stages mais n’accèdent pas forcément au métier, ils repartent avec des outils précieux”
Sophie Bobbé, biographe hospitalière
Laisser une trace en écrivant une biographie, c’est ce que propose Sophie Bobbé, biographe de fin de vie, aux patients qui vivent leurs derniers jours en milieu hospitalier. Ce métier, ils/elles ne sont qu’une quinzaine à l’exercer en France. Pourtant, « il est nécessaire de le reconnaître d’utilité publique”, affirme Sophie, tant il apporte de l’apaisement suite au décès d’un proche.
Des motivations différentes
“Aider [les patients] à raconter des choses qui les portent, qui les nourrissent et à reprendre possession de leur vie même à la veille de leur mort.” Pour certains patients, faire appel à Sophie résulte du besoin de laisser une trace de leur passage avant leur décès. Une façon de transmettre un bien physique, qui symboliquement les représente. Pour d’autres, la biographie est une façon de partir plus sereinement, parfois en couchant sur le papier des mots qu’ils ont souhaité adresser à leur famille avant de partir. Les patients se replongent dans les souvenirs de leur vie. C’est une façon de « faire le bilan ».
Un livre précieux et symbolique
« L’entourage dit à quel point ça les change dans leurs relations ”. Peu importe les motivations qui incitent les patients à faire appel à Sophie, la biographie est toujours un livre précieux et symbolique pour les familles. “Il n’y a jamais de discours unique. Chaque vie est singulière, ordinaire, unique et donc… Extraordinaire. » Sophie Bobbé explique également que « la biographie est toujours un discours adressé”. Plus qu’un cahier, cette biographie est un véritable héritage. Certaines personnes vont ainsi transmettre des valeurs, d’autres des déclarations d’amour ou simplement des choses de la vie quotidienne comme une recette de gâteau par exemple.
Le patient ne voit que rarement le résultat
À la suite de l’écriture, “il est fréquent qu’on n’ait pas le temps de lui transmettre le livre en mains propres mais on prévient les proches”. Remis plusieurs mois après le décès voire années, la biographie est accueillie comme un véritable cadeau par l’entourage. Avec cet ouvrage, c’est comme si les défunts laissaient “un peu de leur esprit”. Toutefois, “il y a aussi des livres orphelins que personne ne récupère.”