L’officiant de cérémonies laïques est, à ce jour, surtout connu pour la touche d’émotion et d’humour qu’il amène lors d’un mariage ou un baptême civil. Mais de plus en plus (et on s’en réjouit !) choisissent d’accompagner le temps des obsèques. Oreille attentive des proches du défunt et chef d’orchestre de la cérémonie, ils nous aident à créer un dernier hommage, à son image. Voici le portrait de cinq d’entre elles, aussi investies que passionnées par leur mission.
Solange Stroumayer, CélébrerLaVie : « Je crée des funérailles personnalisées, façon haute couture »
Je suis devenue officiant de cérémonies laïques de funérailles car…
…. depuis toute petite, j’aime les rituels, les symboles, la cloche qui sonne au moment de l’eucharistie, allumer une bougie avec déférence… Devenue adulte, une initiation reçue par une petite fille Lakota sur les rituels des saisons : les deux solstices, les équinoxes et les fêtes intermédiaires, m’a ouvert la voie des cérémonies de la vie et la pratique des rituels comme activité professionnelle.
L’enjeu d’une cérémonie réussie c’est…
… de faire participer le collectif, réunir autour de la cérémonie, créer du lien et donner du sens au rituel d’adieu. Le.s symbole.s choisi.s avec justesse est.sont essentiel.s dans une cérémonie. En somme, mon objectif est d’organiser LE rituel personnalisé qui vous sied, celui qui plaira à la personne qui s’en va.
Je n’oublierai jamais le jour…
… du 1er novembre, nous célébrions Samhain (nom celte de la fête des morts) qui signifie le début de l’hiver. Nous avions apporté des photos de nos défunts, nous avons échangé sur leurs vies et nous avons partagé la nourriture qu’ils adoraient manger. C’était un moment d’une profonde communion, une tendresse indicible, un élan d’amour puissant.
Ma citation préférée sur la mort :
“Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour renaître” de Marguerite Yourcenar
J’aime aussi beaucoup ce passage de Le Livre tibétain de la vie et de la mort de Sogyal Rinpoche :
« Comment peut-on autoriser quelqu’un à mourir? Lorsqu’on me pose cette question, je conseille de s’imaginer qu’on est au chevet de l’être cher et qu’on lui dit avec la plus profonde et la plus sincère tendresse: » Je suis avec toi et je t’aime. Tu es en train de mourir. Ce qui t’arrive est tout à fait naturel, et c’est le sort de chacun d’entre nous. J’aimerais que tu puisses rester ici avec moi, mais je ne veux pas que tu souffres plus longtemps. Le temps que nous avons passé ensemble touche à sa fin et je le garderai toujours au plus profond de mon coeur. Maintenant, je t’en prie, ne t’accroche plus à la vie. Laisse-la aller. Je te donne, de tout mon être, la permission de mourir. Tu n’es pas seul à présent et tu ne le seras jamais, tout mon amour est avec toi.”
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Lara Maulny : La musique en « live » ajoute une dimension incroyable aux cérémonies »
J’ai découvert le métier d’officiant de cérémonies laïques lorsque…
…mon père est mort. Nous avons élaboré en famille une cérémonie digne de lui, qui nous ressemblait et qui permettait à chacun de se sentir à sa place. Là aussi l’énergie a pu circuler librement, et fait dire à ma fille de 18 ans qu’elle avait trouvé de l’apaisement dans ce moment pourtant si douloureux, pendant lequel j’avais notamment joué du violoncelle en hommage à son grand-père.
Etre officiante de cérémonies laïques de funérailles, c’est…
… écouter, respecter, donner du sens. Je peux honorer une personne en écrivant une cérémonie sur-mesure et la musique « live » y ajoute une dimension incroyable. Quand je travaille sur une cérémonie, je demande toujours si des proches veulent jouer quelque chose (plutôt que de passer un enregistrement), et je propose aussi mes services de musicienne si besoin.
Je n’oublierai jamais le jour où…
… j’ai commencé à jouer du violoncelle pour mes proches disparus. Malgré les larmes et l’émotion qui sont montées quand les premières notes de la Vocalise de Rachmaninoff ont filé sous mon archet pour honorer Mathilde, ma très chère amie, la force de la musique m’a permis d’aller au bout de la partition, avec l’énergie de tous ceux qui étaient présents. Un moment unique, comme chacun de ceux que j’ai pu vivre. Je me souviens également des funérailles d’un instituteur pour lesquelles j’avais accompagné au violoncelle la chorale d’élèves. Un de ses collègues souriait dans ses larmes en évoquant ce « baume » que constitue la musique pour une âme en peine.
Ma citation préférée sur la mort
Cette petite phrase de ma fille (8 ans à l’époque) lors de la petite cérémonie d’adieu à son arrière-grand mère dans un salon de l’hôpital: « Elle est morte mémé… ben oui, c’est la vie ! »
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Alice Aucler : « La dernière étape du deuil, c’est un cadeau ! »
J’ai écrit ma première cérémonie…
… à l’occasion du décès de ma fille, il y a huit ans. Je l’ai fait à l’instinct, sans savoir que ce métier existait vraiment ! À ce moment-là, j’avais besoin de sens et de lui rendre un hommage que l’église ou toute autre rituel existant et connu ne pouvait lui rendre. Cela a été mon premier pas sur le chemin de mon deuil. Et plus on chemine sur ce dernier, plus on comprend que la dernière étape du deuil, c’est un cadeau ! Et ce dernier est arrivé il y a un peu plus de deux ans, quand j’ai décidé de devenir officiant de cérémonies laïques « pour de vrai » ! Depuis je célèbre et je vibre avec vous à chaque moments forts de vos vies : mariage, renouvellement de vœux, funérailles, baptême. Ce sont autant d’occasions de se réunir et de partager des émotions !
Le plus important pour moi c’est…
… de respecter la sensibilité, la pudeur et la personnalité de la personne pour laquelle j’écris. À l’occasion d’un décès, beaucoup d’émotions se mélangent, elles sont même parfois contradictoires et souvent elles ne sont pas partagées de la même façon par l’entourage du défunt. Alors, c’est mon rôle de comprendre ce qui se joue, ce qui est important, sans même que les gens me parlent. Il y a beaucoup d’observation, d’intuition dans mon métier pour que le Jour J, chacun se sente respecté et qu’à la fin de la cérémonie on me dise simplement « c’était tout à fait lui/elle ».
Je n’oublierai jamais le jour où…
… après la célébration de funérailles, l’un des proches m’a dit ces mots : « Alice a su transformer un grand moment de douleur, en grand moment de douceur. Cet enterrement restera un joli moment dans mon esprit, plutôt qu’un moment à oublier ».
Ma citation préférée sur la mort
« La mort n’est peut-être qu’un changement de place » de Marc Aurèle
Magali Verdet : « Mettre de la vie dans la mort c’est pratiquer l’art de vivre »
J’ai exercé le métier d’officiant de cérémonies laïques suite à …
… mon expérience professionnelle de biographe hospitalier. C’est un réel privilège pour moi d’accompagner les gens dans cette étape aussi bouleversante que touchante qu’est la mort. J’ai compris que j’aimais les gens et leur histoire et qu’elle prenait tout son sens quand la prise de conscience de notre finitude pointait le bout de son nez. Prendre soin de tous les passages de la vie et leur donner un espace de création qui honore ce que la personne a d’unique est aujourd’hui une satisfaction évidente pour moi.
Mon souhait le plus précieux c’est …
… ressentir, se souvenir, faire de la vie une œuvre d’art et la célébrer pour partager un peu de chaleur humaine et de conscience dans toutes sortes de moments d’humanité. Moments heureux et tristes, incompris ou significatifs, mettre de la vie dans la mort c’est pratiquer l’art de vivre. Il est important pour moi d’accompagner avec mon cœur et mon âme, mais également avec certains outils et un savoir-faire. Être officiant comme biographe ne s’improvisent pas. Les métiers de la relation sont engageants.
Je n’oublierai jamais le jour où …
… à l’âge de trente ans, j’ai vu l’infirmier fermer la housse mortuaire où se trouvait le corps de ma mère qui venait de décéder d’un cancer, ni le bruit du crépitement de la myrrhe en fleur déposée sur le cercueil de ma tante pendant sa crémation, ni l’envie d’une biographiée à l‘hôpital qui a voulu que son livre soit mis entre ses mains pour son grand départ. La mort fait partie de la vie, elle fait partie de ma vie, elle m’apprivoise comme le renard du Petit Prince.
Ma citation préférée sur la mort
« Ce ne sont que les premières larmes qui coûtent, les autres ne font qu’apprivoiser le chagrin. » de Simonetta Greggio, La Douceur des hommes.
Danièle Cusin-Brunner : « Mettre à l’honneur ce qui fait votre essence propre »
J’ai commencé ce métier le jour…
… du mariage de ma meilleure amie ! Oui… Je célèbre des funérailles, mais aussi des mariages. Et mon cheminement a commencé par la célébration de l’amour. J’ai eu besoin de prendre mon temps avant de pouvoir accompagner les familles dans le deuil et le départ de leurs proches. Et puis un jour, tout s’est aligné et j’ai trouvé naturellement ma place… Parce que la mort fait partie de la vie.
La beauté du métier d’officiant de cérémonies laïques de funérailles c’est…
… accompagner les familles au travers de chacune des étapes du cycle de la Vie, et notamment pour le départ de leurs proches. C’est important de mettre les mots justes de telle sorte à ce qu’elles puissent vivre cette étape de séparation au plus près de leurs valeurs tout en trouvant un peu de sérénité. Rendre la cérémonie de funérailles belle et vivante, simplement. J’ai à coeur de mettre à l’honneur ce qui fait votre essence propre.
J’ai été marquée le jour où j’ai…
… vu les petits-enfants de cette grand-mère, devenus adultes, venir déposer, les uns après les autres, une bougie sur le cercueil de leur mémé… A chaque bougie, je l’ai entendue rire… Et allumer de petites étoiles au fond des coeurs de tous ses proches. C’était un vrai rayon de soleil, en faisant ce geste symbolique, ils sont mis plein de petits soleils dans leurs vies.
Ma citation préférée sur la mort
« La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents. » de Victor Hugo
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