À seulement trente-quatre ans, la mère d’Alix décède d’un arrêt cardiaque lors d’une opération sans gravité. Un drame qui marquera à jamais l’existence de la petite fille qui n’a que quatre ans à l’époque. Pour la protéger, sa famille passe la mort de sa mère sous silence, Alix mettra vingt-cinq ans avant d’entamer son deuil. Elle raconte.
“Ma mère souffrait d’un léger problème aux poumons qui nécessitait une opération, mais sans gravité. Son médecin de l’époque lui propose une nouvelle technique médicale, mais son état de santé ne lui permettra finalement pas d’en bénéficier. Une information portée à sa connaissance le jour même de l’opération qui va remettre en cause toute l’intervention.
Malgré cette déconvenue, ma mère accepte finalement de passer au bloc. Elle décédera d’un arrêt cardiaque quelques heures plus tard. Le procès au civil mettra en cause un problème d’anesthésiant et des erreurs médicales.
Ce jour-là, ma mère laissa derrière mon frère, six ans et moi, âgée de quatre ans à l’époque.
“Maman est partie au ciel”
Des souvenirs, il m’en reste peu si ce n’est celui de l’annonce. Assis dans la voiture, nous attendions que notre père sorte de l’hôpital. En revenant, sans même se tourner vers nous, il prononce ces quelques mots : “Maman est partie au ciel.”, mais du haut de mes quatre ans, je n’ai pas compris que ma maman ne reviendrait pas. Il ne nous en reparlera jamais.
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L’arrivée de ma “nouvelle maman”
Seulement quelques mois plus tard, l’une des meilleures amies de ma mère s’est rapprochée de mon père. Cette femme est devenue ma “nouvelle maman”. Ce n’est seulement qu’aujourd’hui que je réalise la violence de cette situation. D’ailleurs, si mon frère a relativement mal vécu son entrée dans notre famille, pour ma part, j’étais plutôt contente de retrouver une présence maternelle.
Pendant mon enfance, mon père, alors jeune médecin, travaillait énormément, alors c’est avec elle que nous passions le plus de temps. Au début, elle apparaissait douce et gentille, mais son vrai visage, celui de la “marâtre” s’est rapidement révélé.
Le chagrin n’avait pas sa place
Extrêmement jalouse de ma mère, cette femme reniait totalement son existence. Dans notre maison, il ne restait plus aucune photo de ma mère. Nous ne pouvions jamais parler d’elle en sa présence. Un jour, j’ai retrouvé le film de mariage de mes parents. Quand elle s’en est rendu compte, elle s’est mise dans une colère noire. Rien, dans notre maison, ne devait venir rappeler l’amour de mes parents.
À l’adolescence, les choses sont devenues encore plus compliquées. Je grandissais et inévitablement, je ressemblais de plus en plus à ma mère. Ma belle-mère m’a alors fait vivre un enfer jusqu’à mes vingt ans jusqu’à ce que je quitte la maison.
Pendant toutes ces années, nous ne nous sommes jamais rendus sur sa tombe. Comment est-ce qu’on a pu autant m’empêcher de faire mon deuil ?
Pour autant, elle n’est pas la seule responsable. Je ne peux nier le rôle qu’a joué mon père dans la répression de nos émotions. C’est lui qui a fait entrer cette femme dans notre vie. Il aurait pu s’imposer, mais il restait passif face à la situation.
La mort de ma mère, un tabou familial
Le décès de ma mère est un sujet dont on ne parle jamais. Mon frère et mon père ont totalement enfoui leur peine au plus profond d’eux-mêmes. Pourtant, je sens bien l’émotion qui émane quand j’ose aborder le sujet.
Autour de mes vingt-cinq ans, j’ai réellement souhaité en savoir davantage sur cette mère que je connaissais à peine. Une quête de vérité qui correspond au moment où j’ai commencé ma reconstruction avec ma psychologue. Jusqu’alors, je croyais que ma mère avait succombé à un cancer. Grâce à mon oncle, le frère de ma mère, qui possédait le dossier de la plainte au civil, j’ai pu connaître toute la vérité. Ce fut un choc. Pourquoi mon entourage a-t-il décidé de me mentir ? Je ne le sais toujours pas…
Le fait de devenir mère fut le déclencheur de mon deuil
À 30 ans, année de la naissance de mon fils en 2022, j’ai enfin pu laisser échapper la tristesse liée à la mort de ma mère. Mon chemin vers la guérison pouvait commencer.
Très impactée psychologiquement par ces vingt-cinq années de deuil empêché, je me reconstruis peu à peu grâce à l’aide précieuse de ma psychologue. Aujourd’hui, j’ai besoin de parler de ma mère pour qu’elle sache qu’on ne l’oublie pas, car si je ne le fais pas, personne ne le fera.
À trente-deux ans, j’approche doucement de l’âge auquel elle nous a quittés, un passage que j’appréhende. En devenant maman, je m’identifie plus que jamais à elle. Je vais vivre ce qu’elle n’a jamais vécu, c’est ma manière de lui rendre hommage.
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