À seulement 28 ans, Léa est orpheline de père et de mère. Comme elle, plusieurs milliers de français.es deviennent orphelins chaque année. Malgré ce chiffre, l’accompagnement et la prise en charge leur deuil est quasi inexistant. Pour apporter soutien et réconfort aux orphelins jeunes adultes, Léa a créé le compte @memoiresdorpheline. Elle nous partage aujourd’hui son parcours et dénonce le manque d’accompagnement psychologique et financier fourni par le gouvernement français.
L’annonce du décès de mon père a été brutale
« Mon père est mort quand j’avais 11 ans et demi d’un cancer du poumon. Les adultes de mon entourage soutenaient qu’il allait guérir bien qu’il était déjà en fin de vie. L’annonce de son décès a été extrêmement brutale. Ma mère nous a fait nous asseoir dans le salon. Dès cet instant, j’ai senti qu’il y avait quelque chose d’anormal. Puis elle nous a annoncé que notre père était “au ciel”. Énorme explosion de douleur. Je me suis projetée au sol, en pleurant et en hurlant. C’était d’une extrême violence.
Je suis seule. C’est la première chose qui m’est venue à l’esprit. J’ai eu immédiatement conscience de l’immense solitude qui allait me peser dans les années à venir. Ce sentiment est partagé par beaucoup d’autres orphelins. L’absence du parent implique une certaine solitude.
Au funérarium, la personne qui se trouvait en face de moi était assez différente du papa dont j’avais l’habitude. J‘ai compris qu’il n’était déjà plus là. Puis le monde dans la chambre funéraire m’a beaucoup déstabilisé. Malheureusement, je n’ai pas osé verbaliser mon envie de me retrouver un instant seul avec lui. Je le regrette beaucoup aujourd’hui.
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Ma mère est décédée d’un cancer foudroyant
« On m’a souvent dit par la suite que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit.
“Avec ce que tu as vécu, il peut plus rien t’arriver de grave.”
Ma mère est décédée huit ans après mon père, elle aussi d’un cancer foudroyant en l’espace de six mois. Lorsque j’ai appris sa maladie, le choc a été terrible. C’est comme si elle était morte à ce moment-là. Je savais qu’elle allait partir aussi. C’est cette prise de conscience, avant même que la mort ne survienne, qui a été le plus difficile à traverser.
À cette époque, je venais de me mettre en couple avec l’homme qui est aujourd’hui mon mari. J’ai eu le temps de lui dire “Maman, je suis en couple avec ce garçon dont je suis amoureuse depuis plusieurs mois.” Puis, lorsqu’elle est morte, je n’ai pas vraiment eu le temps d’être triste ou de m’effondrer. J’étais dans une situation de gestion et portée par cet amour. J’avais à la fois ce paradoxe de vivre quelque chose de terrible et d’être très enthousiaste à l’idée de cette histoire d’amour qui débutait. C’était un peu mon horizon.
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Une jeune adulte orpheline, ça n’existe pas
Après la mort de ma mère, je me suis sentie en décalage avec les autres étudiants et la plupart des personnes de mon âge. J’avais le sentiment qu’on ne pouvait pas me comprendre si on ne savait pas que j’avais perdu mes deux parents. À ce moment-là de ma vie, j’avais besoin d’un accompagnement mais je ne savais pas où le trouver.
À 20 ans, on est encore dans une période de construction. Perdre un parent, c’est perdre un appui crucial et fondamental. Malgré ça, aucune financière ou psychologique n’est proposée. Il y a des jeunes orphelins qui ne s’en sortent pas, pour poursuivre leurs études, pour financer un appartement ou pour s’en sortir psychologiquement. Ces personnes ne sont pas assez mises en lumière à l’échelle de notre société. C’est un vrai combat de porter ce message.
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Un compte instagram pour réunir orphelins et orphelines
Je voulais créer un espace où je pourrais à la fois parler de mon histoire, mais aussi échanger avec des personnes traversant la même épreuve. C’est ce que représente mon compte instagram Mémoires d’Orphelines. J’ai commencé à poster des textes en parlant de mon vécu personnel. Puis, j’ai reçu des messages de personnes de mon âge qui avaient perdu parfois un proche, un parent, voire les deux. Je n’étais pas seule.
Il y a beaucoup de personnes qui perdent un parent, voire les deux, de maladie, de suicide et ce avant l’âge de 25 ans. La question des orphelins mineurs est réfléchie au sein du gouvernement mais les orphelins jeunes adultes sont complètement hors du radar.
Les associations prennent le relais
Il y a d’autres organismes qui s’emploient à soutenir les orphelins. L’association Empreintes propose des groupes de parole à destination des jeunes adultes tandis que l’association Phoenix propose du mentorat pour les étudiants orphelins.
Happy End l’Asso organise aussi les Orphelinades, des rencontres au bar à destination des jeunes adultes orphelins. J’ai d’ailleurs été l’animatrice de ces temps d’échange pendant plus d’un an. L’ambiance est décontractée, bienveillante et une grande attention est portée à la parole de chacun. Un endroit où l’on peut échanger librement, se soutenir et créer une petite communauté d’entraide.
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