A priori, c’est un lâcher de ballons comme beaucoup d’autres ce dimanche à Grésy-sur-Isère. Pourtant, la 7e édition de cette journée d’hommage aux bébés morts-nés de l’association Nos Tout-Petits de Savoie aura un double objectif cette année. Soutenir les parents endeuillés bien sûr, mais aussi attirer l’attention sur le mouvement militant des « paranges » qui demande la reconnaissance de leur parentalité aux yeux de l’état civil.
« La symbolique du lâcher du ballons vers le ciel est très parlante pour les parents endeuillés », explique Delphine Rouillé, présidente de l’association. « Nous organisons ce moment de partage et d’échange entre la fête des mère et la fête des pères car c’est une période difficile pour eux. » Dans un souci d’écologie, les ballons lâchés sont biodégradables et accompagnés d’un sachet de graines de fleurs des champs.
Cet évènement a aussi un aspect militant pour les parents endeuillés. Beaucoup d’entre eux souhaitent faire évoluer leur statut et obtenir une reconnaissance de leur parentalité. A ce titre, Delphine Rouillé et d’autres « paranges » ont pris contact avec leur député local et ceux de la majorité pour les sensibiliser à leurs besoins. Les parlementaires devraient aborder la question lors de la révision de la loi bioéthique prévue en septembre.
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La difficulté juridique d’une reconnaissance de l’enfant mort-né
« Nous souhaitons que les parents de bébés mort-nés puissent leur donner le nom de famille des parents », exprime la présidente de Nos Tout-Petits de Savoie. Actuellement l’état civil inscrit bien l’enfant mort-né dans le livret de famille mais sans indiquer le nom des parents. Une pratique qui accentue la douleur de nombreux couples.
« Quand l’officier d’état civil nous a rendu notre livret de famille avec une page barrée, où était juste indiqué le prénom de notre fille, j’ai trouvé ça horrible ! Ma fille a existé. Je l’ai portée. C’est comme si on niait son existence » raconte Delphine Rouillé, présidente de Nos Tout-Petits de Savoie, maman d’une petite Lise décédée il y a huit ans.
Mais si on ne peut toujours pas inscrire le nom de famille du bébé mort né dans le livret de famille, c’est que l’affaire n’est pas si simple. « Pour donner son nom de famille, il faut une filiation », rappelle Maryse Dumoulin, médecin au CHRU de Lille à la retraite, et vice-présidente et fondatrice de l’association Nos Tout Petits (Lille). « Dans la loi, on ne reconnait l’enfant que lors de l’établissement de l’acte de naissance. C’est ce qui permet la reconnaissance, la filiation » rappelle-t-elle.
« Si l’enfant naît sans vie, il n’a pas d’acte de naissance. Or, seul l’acte de naissance donne lieu au droit de la filiation. En France, on ne peut donc pas être, civilement père ni mère d’un enfant mort-né. Il faut que les juristes travaillent pour trouver un autre statut que la personnalité juridique de l’enfant mort-né » insiste Maryse Dumoulin qui est également Maître de Conférences en Éthique et Santé Publique. « Car reconnaître juridiquement l’enfant mort-né comme une personne pourrait remettre en cause l’IVG et l’IMG. »
En raison de ces difficultés, toutes les associations de parents endeuillés ne militent pas activement en ce sens. « Nous laissons chaque parent endeuillé donner sa propre opinion sur la question », précise Maryse Dumoulin, sa vice-présidente de l’association lilloise Nos Tout Petits.
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Une pétition pour le mot « parange »
Le mouvement militant pour la reconnaissance des parents de bébés morts-nés passe aussi par une dénomination de la situation des parents endeuillés. Des termes spécifiques comme « veuve », « veuf » ou « orphelin » existent. Mais il n’y a pas de nom pour un parent qui perd un enfant.
Un groupe de parents endeuillés, dont Delphine Rouillé et Nos tout-petits de Savoie, se battent pour inscrire le mot « parange » dans le dictionnaire. « Nous avions contacté les éditions Larousse », raconte Delphine Rouillé. « Il nous ont répondu que le mot n’était pas assez courant. Pourtant, l’ouvrage répertorie des mots comme « googliser », « poilade », « selfie » ou « zlataner », alors pourquoi pas « parange » » Association de « parent » et « ange », ce terme a été choisi pour les valeurs positives et affectueuses qu’il véhicule. Il existe également des déclinaisons comme « mamange » et « papange ». Il faut bien reconnaître que c’est plus charmant que « désenfanté ».
Une pétition en ligne circule pour inscrire « parange » dans le dictionnaire. Elle compte actuellement plus de 40 000 signatures, signe de l’attachement de nombreux parents d’enfants mort-nés à leur reconnaissance en tant que « parange ».
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