Perdre un enfant m’a mis à terre mais m’a révélé à moi-même


Pourquoi avoir décidé de monter sur scène pour raconter votre histoire ?

Cette pièce est née suite à un long processus. Juste après la mort de Roman il y a quatre ans, je me suis mis à écrire quand toute ma famille était couchée. C’était un moyen de revisiter mes souvenirs. Roman n’avait vécu que 13 jours, j’avais peur qu’on l’oublie. Je voulais transmettre son histoire à nos filles, alors âgées de 4 et 7 ans, trop petites pour tout entendre et comprendre.

Les mois qui ont suivi, j’ai souvent repris ce texte et l’ai modifié. Puis, en 2016, je l’ai fait lire à un copain metteur en scène dans l’idée de transposer l’histoire de Roman sur scène. Moi, qui n’étais jamais monté sur les planches, je me suis inscrit à un stage de théâtre au cours Florent. C’est comme ça qu’est né « Tu seras un homme papa ».


Le deuil périnatal est-il tabou ?

Quand tu perds un bébé, tu fais face à un silence écrasant. S’il est resté à la maternité et qu’il était sous haute surveillance, peu de gens ont eu la chance de le connaître. Ton entourage n’a que très peu de souvenirs voire aucun avec cet enfant. Personne n’ose t’en parler pour ne pas réveiller tes blessures. C’est aussi la raison de cette pièce : donner une voix et une place à Roman et briser le silence autour de sa mort.

Les membres d’une association spécialisée dans l’accompagnement du deuil périnatal sont venus voir le spectacle. Ça a donné lieu à des échanges très forts. Même des années après, tous se souvenaient parfaitement des moments clés de la courte vie de leur enfant ou petit-enfant. Le nom des médecins, le bruit des machines, les mots réconfortants du personnel soignant…Un tel drame marque ta vie à jamais. Et prononcer le prénom de ton enfant décédé te rend heureux.

Pour consulter des associations spécialisées dans l’accompagnement du deuil périnatal, effectuez notre parcours « Je vis un deuil ».

Comment avez-vous surmonté ce drame ?

Ma femme et moi ne l’avons pas surmonté. On a juste accepté de vivre avec. On avait deux autres enfants. Il fallait continuer à gérer le quotidien, à leur prêter attention. Un tel drame anesthésie totalement, il te fait perdre ta boussole. Et en même temps, cette perte est une expérience de vie métaphysique, tellement puissante qu’elle en devient euphorisante. Jamais, avant la mort de Roman, je n’aurai pensé pouvoir monter sur scène. Mais je ne pouvais pas rester inerte, j’avais besoin de transformer cet épisode de vie qui m’avait anéanti. Ce drame m’a révélé à moi-même.


Perdre un enfant met le couple à rude épreuve. Comment l’avez-vous affronté avec votre femme ?

Ça n’a pas toujours été évident mais cette expérience douloureuse est aussi une force pour notre couple. Nous sommes tous les deux garants de la mémoire de Roman. Ensemble, on a affronté cette tempête. Si on a résisté à ça, on peut dépasser de nombreux obstacles. On a fait des projets. Notre fille Gabrielle est née deux ans après la mort de Roman et nous nous sommes récemment mariés.

Avez vous ritualisé la mort de Roman ?

Nous avons organisé une cérémonie le jour de son enterrement et avons longtemps allumé des bougies le vendredi soir en sa mémoire. Mais aller au cimetière n’est pas évident. Me recueillir sur la tombe de mon enfant me donne l’impression d’être une victime, ce que je ne supporte pas. Ce drame m’a mis à terre. J’ai perdu le premier round mais je gagnerai le deuxième.

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