Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un certain intérêt pour la mort. Enfant, comme beaucoup, j’ai posé des questions à mes proches. Questions auxquelles ceux-ci ont très certainement répondu comme ils le pouvaient. Cela ne me suffisait pas, peut-être parce que l’inconnu que l’on me renvoyait me faisait peur. Toujours est-il que j’ai continué à grandir avec cet intérêt, et que, mon entourage ne le comprenait pas. Mes questions, mes lectures, mes interrogations, tout cela était qualifié de “morbide” ou “malsain”. Avec le temps, pour cesser de paraître en décalage, j’ai fini par me taire, comme tout le monde : je suis rentrée dans le moule.
Sauver mon grand-père ou accepter sa mort prochaine ?
En 2018, mon grand-père, un homme très actif, a dû être hospitalisé. Il était épuisé par la lourde tâche de veiller sur ma grand-mère, dont la santé mentale déclinait rapidement. Après plusieurs jours d’hospitalisation, j’apprends qu’une gangrène s’est déclarée dans son pied, et une question se pose. Faut-il l’opérer pour le sauver au risque de faire vaciller son cœur fatigué ? Pour la plupart des membres de ma famille c’était une évidence. Bien sûr qu’il le fallait !
Vivre avec un pied en moins, non merci !
Pour lui, c’était différent. Mon grand-père avait 81 ans, il avait vécu une belle vie, et ne se voyait pas (même si l’opération était un succès) continuer à vivre avec un pied en moins. Cela aurait signifié la fin de ses après-midis à travailler dans son jardin et son potager, ou sur les chantiers de l’entreprise qu’il avait créé et légué à son fils. Cela lui semblait insoutenable. Mon grand-père a donc refusé l’amputation, sachant bien que cela signifiait la fin de sa vie.
Entourer un proche mourant est éreintant
Mon grand-père n’a formulé qu’une seule demande : celle de pouvoir mourir chez lui. Pendant deux semaines, il a pu être accompagné par des infirmières et médecins du service d’hospitalisation à domicile. Il a pu recevoir la visite de ma grand-mère, qui avait été prise en charge par ses filles, celle de mes cousins, ses derniers petits enfants. Il a pu boire une dernière bière, parler avec ses proches, recevoir les dernières paroles d’amour de sa famille… qui tenait le coup comme elle le pouvait. Mon grand-père a pu avoir une fin de vie qui lui ressemblait, calme et entourée. Il s’est éteint, pendant sa sieste, dans son lit médicalisé installée dans le salon.
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Accompagner la mort de façon non médicalisée
Malgré tout, l’épuisement de ma famille dans cette période me laisse un goût amer. Je regrette qu’il n’existe rien en France pour assurer un accompagnement non médicalisé. Bien sûr, il y a des équipes de bénévoles en soins palliatifs, des personnes qui viennent écouter et discuter avec les malades. Mais les malades ne sont pas les seuls à avoir besoin de soutien ! Leurs proches aussi, surtout lorsque la fin de vie a lieu à domicile. Ils ont parfois besoin d’être relayés, aidés dans les tâches ménagères, épaulés, écoutés.
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Le métier de doula de fin de vie existait !
Il fallait inventer ce métier. Après des recherches sur les métiers du funéraire vers lequel je pensais m’orienter, je découvre celui de death doula (en français Thanadoula ou Doula de fin de vie) et j’ai la chance de pouvoir entrer en contact avec Alua Arthur, une death doula qui propose des formations à distance. Ce qui me touche, dans le métier de doula, c’est de pouvoir réduire un peu la distance que l’on a l’habitude de se voir imposer avec la mort. C’est cette envie de rendre à la mort son caractère naturel. D’aider les gens à affronter leur départ le plus sereinement possible. Faire comprendre que la mort n’est pas un échec mais un phénomène naturel. L’une des rares choses que nous ayons tous en commun.
Il existe autant de morts que d’individus
Elle est pourtant différente pour tous. Il existe autant de morts que d’individus. Certains voudront mourir seuls, d’autres préféreront être entourés. Certains voudront traiter la douleur en priorité, prendre des médicaments pour être le moins conscients possible. D’autres préféreront faire les choses de manière plus naturelle, et vivre en pleine conscience leurs derniers instants. Certains voudront rester à l’hôpital, d’autres en unité de soins palliatifs, ou encore chez eux. Certains voudront que leur familles puissent (si elles le désirent) participer à leur soins de présentation, d’autres s’y refuseront.
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Un doula de fin de vie assure le respect de nos souhaits dans ce moment unique
Le rôle principal d’un.e doula, c’est de s’assurer que chaque individu puisse vivre ce moment unique de la façon dont il/elle le souhaite. C’est de remettre la personne au centre du phénomène qu’il/elle est en train de vivre. On ne devient pas doula pour « faire la mort d’une certaine façon », on exerce ce métier pour s’assurer que le client la vive comme lui/elle le souhait, contrairement au système actuel qui, bien souvent est dicté par une sorte de “normalité”. La présence d’une doula permet d’avoir à ses côtés, une personne extérieure à la famille, moins affectée par cette fin prochaine, qui aura l’énergie de l’assister dans ces moments difficiles. C’est une présence rassurante, quelqu’un qui saura écouter, respecter et faire respecter (dans la mesure du possible) les choix de son client en fin de vie.
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Mon rôle de doula de fin de vie ? aider les familles à aborder la mort plus sereinement
J’ai vite pris ma décision ! En l’absence (à l’époque en tout cas) d’une formation en France, j’ai décidé de suivre le programme Going with Grace® d’Alua Arthur. Une doula de fin de vie qui m’a séduite par sa chaleur et son humour. Pendant quelques mois, j’ai suivi un programme de 12 modules couvrant les différentes missions d’une doula. J’ai quitté mon emploi d’auxiliaire parentale et suis devenue agent de soins en maison de retraite. J’ai pu, dans le cadre de mon nouvel emploi, être confortée dans mon choix. J’ai assisté à plusieurs fins de vies, plus ou moins douces, et j’ai participé activement aux soins de celles-ci. J’ai même pu inviter une femme à participer au soins de confort de son mari de 98 ans alors que celui-ci était mourant.
Pendant mon temps libre, je suis une formation de bénévole d’accompagnement en soins palliatifs, et, lorsque j’ai deux minutes, je commence à structurer ma micro entreprise. J’espère pouvoir bientôt me lancer et aider les gens à aborder la Mort d’une manière différente !
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