Préparer le dernier voyage de mon fils fut pour moi la plus grande des consolations


Texte de Marlène Piquerez, la maman de Charlie 

Charlie, 6 ans, est un petit garçon espiègle, adorable et rempli d’amour pour la vie. Il adore jouer avec son grand frère, Simon et Eva sa cadette. En 2020, au début du confinement, son attitude change : son sourire devient moitié. Il trébuche et tombe de plus en plus sans raison.

En un mois et demi, notre vie bascule : aucun espoir n’est permis

La situation nous a immédiatement inquiété. Sans tarder, nous prenons rendez-vous chez le médecin, qui nous envoie à l’hôpital pour que Charlie réalise une IRM et une biopsie. En un mois et demi, notre vie est bouleversée et une page se tourne à jamais. Charlie est atteint d’une maladie incurable : un cancer, le GITC, le gliome infiltrant du tronc cérébral. Il relève des soins palliatifs. Aucun espoir n’est permis. Je m’effondre. L’épée de Damoclès est là et le décompte des derniers jours de Charlie commence. J’aurais à ce moment presque souhaité que mon fils quitte la vie le plus rapidement possible pour ne pas le voir souffrir.


Un seul objectif : cultiver les moments de joie et d’amour jusqu’au bout

Nous allons tenter de profiter en famille de ces derniers moments passés ensemble. Nous sommes au mois de mai 2020. Certaines rencontres, dont celle de Nathalie Paoli du Point Rose vont m’aider et aider toute la famille à comprendre que nous pouvions vivre encore et encore de nombreux instants de joie et d’amour, sans que la maladie ne prenne le pas. Je ne le savais pas, mais à ce moment-là, je me suis autorisée à prendre la main de tous mes enfants et à continuer notre route avec des projets de vacances, de divertissements, de tout ce que nous avions encore envie de faire ensemble.

Anticiper le décès de mon fils : entre peine et soulagement

27 mars 2021. L’état de santé de Charlie ne cesse de s’altérer, il ne peut plus déglutir, ni s’alimenter, il a perdu la parole. Il ne peut plus marcher. Le psychologue nous invite, nous, ses parents, à commencer à préparer ses obsèques.

S’il y a eu beaucoup d’épreuves durant cette année, pour moi, la maman de Charlie, celle-là restera la plus cruelle de toutes : appeler des sociétés d’obsèques dans notre chambre, alors que Charlie est encore vivant et regarde la télévision dans le salon. Tout est obscur dans ma tête, il me semble que je dois accomplir une formalité impensable. J’ai le cœur lourd. Néanmoins, le conseiller funéraire prend le temps de me poser des questions. Il me demande si nous voulons garder le corps à la maison. Je suis surprise, car je ne pensais pas que c’était possible. Cette conversation m’ouvre des possibilités que je n’imaginais pas et notamment celle de ne pas être séparée de mon fils, car depuis sa naissance, nous ne l’avons jamais été. Une forme de soulagement m’envahit, car je sais que Charlie n’ira pas dans une pièce obscure lorsqu’il décédera, en dehors de notre maison…


Mon fils de 7 ans savait qu’il allait mourir

Je n’ai pas eu le courage ni la force de parler de sa mort avec Charlie, mais nous avons toujours communiqué sur ce sujet de manière subtile, mais sans ambiguïtés : Un jour, il m’a repris, alors que je disais qu’il verrait quand il serait grand, en me disant : «  Je ne serai jamais adulte. ». J’ai retenu les larmes qui montaient pour les lui cacher. Que dire ? Que c’est difficile de savoir que son bébé de 7 ans sait qu’il est condamné.

La nuit de son décès, j’étais triste mais aussi pleine d’énergie

La nuit de son décès, j’étais consciente que Charlie vivait ses derniers instants. J’avais très peur, car c’était la première fois que j’étais confrontée à un décès. J’avais peur aussi d’appeler l’hôpital et de voir ainsi Charlie partir de la maison.  Je devais me maîtriser. Ce soir-là, j’ai eu l’impression que Charlie avait beaucoup à m’apprendre. Il est parti seul, dans le salon. Ce moment a été si troublant pour moi. Il s’est éteint discrètement, sans pleurs, sans m’appeler. Quelle leçon de vie pour moi ! Étrangement, quand j’ai découvert Charlie apaisé, je me suis sentie profondément triste, mais également remplie d’une forme d’énergie qui me permettait de rester debout. Je ne pensais qu’à Charlie et au fait qu’il puisse finir de partir sereinement et à la manière dont nous allions l’annoncer à Simon et Eva, son frère et sa sœur.

Ses Supers héros l’ont accompagné le jour des obsèques

Suite au décès de Charlie le 9 avril, la société d’obsèques prépare son corps avant de le ramener chez nous. Pendant dix jours, il restera dans sa chambre, tout près de nous. Je le sens ainsi en sécurité.

Chacun de nos proches a la possibilité de le voir dans sa chambre, si paisible. Ainsi, nous cheminons vers la cérémonie. Cette cérémonie pour Charlie, nous avons voulu l’inventer de A à Z, pour qu’elle lui ressemble et pour lui dire à quel point nous l’aimions. La salle de cérémonie est décorée avec des dessins de Pokemons, de goo-jitzu et de tous ses héros préférés. Sur son cercueil blanc, nous déposons les figurines qu’il adorait. Au travers d’un défilé de photos qui représentent la vie heureuse et paisible de notre “Chacha”, nous chantons tous, sur des airs qu’il aimait.

Lorsque le cercueil est sorti de la salle pour être emmené au crématorium, des super-héros de la Compagnie Stark Anim’action qu’avait rencontré Charlie peu de temps avant, lui rendent hommage en déposant une étoile, à tour de rôle sur le cercueil.

Un lâcher de ballons en forme de cœurs et d’étoiles

Puis, Charlie part, escorté par tous, sous un florilège de lâcher de ballons, en forme de cœurs et d’étoiles.

Ce jour-là, j’ose le dire, je me suis sentie pleinement joyeuse comme pouvait l’être mon petit garçon et ainsi, j’ai eu l’impression que nous étions ensemble.

Malgré toute la tristesse de cette séparation, je reste persuadée que tout ce que nous avons mis en place pour le dernier adieu à Charlie, lui aurait plu. Cette absence de doutes sur ses souhaits, la possibilité de conserver son corps à la maison, et la beauté de la cérémonie avec la joie qui l’a accompagnée, sont des consolations profondes sur ce chemin du deuil de la maman que je suis.

 

 

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