« 5 choses que j’ai apprises après la mort de mon fils »


Magnifique texte de Yannick Bourquin, Je m’appelle Papa

Aujourd’hui, ça fait 7 ans que mon petit Gabriel nous a quittés. Voici 5 choses que j’ai apprises après la mort de mon fils.

#1 La guérison n’est pas linéaire

Les 5 étapes du deuil, c’est des conneries. Ce modèle n’a jamais été élaboré pour parler du deuil, mais pour parler du ressenti des personnes en fin de vie.
Au delà du fait qu’il est décalage avec le ressenti réel des personnes en deuil (j’ai pas vu beaucoup de personnes être « dans le déni » de la mort d’un proche), il sous-entend que le processus du deuil passe par un certain nombre d’étapes prédéfinies, et toujours dans le même ordre. C’est faux, faux, archi-faux. On erre dans un labyrinthe d’émotions et de sentiments. Parfois on va mieux, parfois on va moins bien. On fait des rechutes, ou des crises d’euphorie incontrôlables. Par exemple, beaucoup de gens ignorent que la période la plus difficile se situe souvent autour de 8 à 10 mois après le décès, ce qui est très déstabilisant. Chez moi, ça correspondait au moment où je songeais à me foutre en l’air.


#2 On exige de nous d’aller mieux

Du coup, dans l’ignorance du point #1, on reçoit des injonctions permanentes à aller mieux. Si on ne va pas mieux, c’est qu’on « refuse de tourner la page », on « se complait dans la douleur », on « se laisser aller »… Les médecins parlent même de « deuil pathologique », une façon de mettre un mot sur un processus qu’ils maîtrisent mal. Croyez-moi, si on pouvait juste choisir d’aller mieux, on le ferait. Face à cette pression sociale, on adopte les mêmes stratégies que les personnes souffrant de dépression : on met un masque. On fait croire qu’on va mieux pour répondre à la demande de nos proches, ce qui contribue à nous isoler encore plus et accroître le mal-être.

#3 On ne contrôle pas nos émotions

Quelques semaines après la mort de mon fils, j’ai voulu aller commander une pizza pour nous changer les idées. Dans la file d’attente devant le camion pizza, j’ai vu un couple de jeunes parents qui tenaient les mains de leur petit enfant pour lui apprendre à marcher. J’ai ressenti les pires sentiments du monde à l’égard de cette famille innocente : de la colère, de la jalousie, de la haine… Et je vous censure mes pensées les plus noires. Ces pensées sont tabous. Bien évidemment que cette famille ne m’a rien fait, et ne mérite pas mon courroux. Bien évidemment que je n’ai rien dit, et que je me suis retenu de pleurer jusqu’au retour à la maison. Pourtant, les sentiments sont là, en moi. Et je n’y peux rien. Censurer ses sentiments, ça rend le travail de deuil plus difficile. Il FAUT avoir un espace de discussion sécurisant (thérapeutes, groupe de parole…) pour pouvoir les exprimer, les appréhender et apprendre à les contrôler… Parce qu’ils nous bouffent.


#4 La plus grande peur, c’est l’oubli

« Tu dois tourner la page », « Pourquoi gardes-tu une photo de lui en fond d’écran ? Tu te fais du mal« . Mon fils Gabriel est mon fils. Point. Je l’aime autant que mes autres enfants, et sa courte vie m’a profondément bouleversé et transformé. Grâce à lui et à sa présence dans mon coeur, j’ai accompli des choses que je me croyais incapable de faire. Je l’aime et je ne l’oublierai jamais. Je le garde auprès de moi avec des photos, avec des tatouages, avec des bijoux gravés… Sa mémoire est ce que j’ai de plus précieux. Travailler un deuil, ce n’est pas oublier le défunt, c’est apprendre à vivre avec l’absence.

#5 Il y a un espoir

Je suis passé par des états pires que mes pires cauchemars. J’ai passé des semaines et des mois avec une boule de feu dans le ventre. J’ai hésité à sauter quand je voyais le train arriver pour aller au travail. Pendant très longtemps, j’ai cru que je ne me relèverais jamais. Et c’est normal… Les études en psychologie montrent que nous sous-estimons beaucoup les changements futurs de notre état mental. En moyenne, nous croyons que le bonheur et le malheur durent beaucoup plus longtemps qu’en réalité. Je pensais que ma vie était fichue et que la douleur ne partirait jamais. Aujourd’hui, je suis le plus heureux des papas.

J’ai acquis une force incroyable dans cette épreuve, une force que je n’ai plus envie de rendre. Mon fils est mort, ça fait partie de mon identité, je l’ai accepté. Je ne parle plus de lui avec tristesse, mais avec fierté. Gardez espoir. La lumière se remettra à briller beaucoup plus tôt que ce que vous croyez.

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Commentaires ( 1 )
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  • Caroline Da Cruz

    Comme je suis d’accord moi aussi j’ai perdu un fils et j’ai eu des réactions tellement différentes mais comme vous je parle de mon fils avec fierté et je suis une maman forte grâce à mon fils je lui dois tout mon courage et ma volonté d’avancer.