Depuis mes premiers pas sur ce long chemin de torture que l’on appelle le deuil, que j’ai fini par rebaptiser mon chemin de transformation, je me suis demandée de quoi on pourrait avoir besoin pour avancer, nous, parents endeuillés.
Le constat s’est fait très vite évident : d’un soutien administratif, psychologique et financier. Et malheureusement, aussi rapidement que s’est fait ce constat, j’ai subi, plus qu’observé, ce que la société avait à nous offrir : rien, un soutien inexistant sur tous les plans. En tous cas pour ce qui est de mon cas.
Bien sûr, il arrive parfois qu’un parent raconte avoir été bien accompagné par l’hôpital où son enfant est décédé ou comme l’administration a bien fait le job. Mais ces témoignages sont tellement rares, que j’en suis vite arrivée à la conclusion que nous n’étions pas aidés.
Des parents endeuillés abandonnés par la société
Il est évident que cet abandon est le symptôme d’une société dans laquelle la mort est tellement taboue que l’on cherche à la cacher, à l’anesthésier. Combien sont les personnes, croisées sur ma route, qui m’ont demandé, à chaque fois, si je prenais des anxiolytiques, des antidépresseurs ou si j’avais enfin contacter un psychiatre.
Car, bien sûr, eux savaient mieux que moi et étaient emplis de certitudes. Et moi, face à eux, je me retrouvais bien seule et complètement perdue. Une certitude ne m’a pas quittée, cependant. Je ne suis pas malade, j’ai perdu ma fille. J’ai le cœur écorché vif. Et sur ce chemin, j’ai besoin d’être accompagnée, guidée. J’ai seulement besoin d’entendre que je vais survivre à cette souffrance ultime.
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Apprendre à apprivoiser sa peine
Une psychiatre, j’ai fini par aller en voir une c’est vrai, à force de douter de mes propres capacités et de m’être auto-convaincue que je faisais un déni. Et cette psychiatre m’a proposé que l’on ne se revoit pas. Je n’étais pas malade, elle ne pouvait rien pour moi. Alors qu’est ce qu’il me restait à faire ? Qu’est ce qu’on peut faire nous, parents endeuillés, pour apprivoiser notre peine ?
On se débrouille ! C’est un autre constat que j’ai fait rapidement. Constat qui me sera confirmé au cours de mes accompagnements au sein de l’association Les mamans lumineuses et les papas aussi, que j’ai créée avec deux autres mamans, Caroline Chevalier et Hélène Gisserot.
Des accompagnements auprès de dizaines d’autres parents qui ont, pour la plupart, le sentiment d’avoir été abandonnés par la société. Alors même que, et je le constate à chaque fois que je quitte une maman après un entretien individuel, ce dont nous avons besoin, c’est d’être mieux accompagnés.
Participer activement à sa transformation
Accompagné et écouté, ne plus être laissé seul à la dérive sur ce long chemin tortueux qu’est le deuil. S’entendre dire que ce que nous vivons est normal. Car combien de mamans et de papas ont eu la sensation que ce qu’ils vivaient n’appartenaient qu’à eux ? Alors que nous vivons des émotions tellement communes, que le simple fait de les partager, nous permet déjà d’alléger notre peine.
En tant qu’accompagnante, je ne pourrais jamais supprimer la douleur de l’autre. Mais en étant là, en partageant nos expériences, nous apprenons à appréhender nos nouveaux fonctionnements, nous participons activement à notre transformation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une transformation ! Nous ne serons jamais plus celles et ceux que nous avons été et nous devons apprendre à créer ce nouveau lien avec notre enfant, tout en devenant différent·e.
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Des référents deuil dans chaque ville de France
Souvent, quand nous recevons les témoignages de parents qui nous remercient de les accompagner, je me demande comment il est possible que cela ne soit pas en place dans chaque ville de France ? Chaque ville de France devrait posséder son référent deuil. De la même manière que dans chaque entreprise de France, il existe des obligations en matière de sécurité pour prévenir les accidents. En tant que responsable sécurité au travail, je suis bien placée pour savoir que les référents sécurité, c’est la base ! Alors, à quand des référents deuil au niveau des plus grandes entreprises publiques de France, à savoir les villes ? Un lieu ressource où chaque parent sait qu’il est possible de trouver du réconfort, des oreilles attentives et un accompagnement vers le mieux-être ?
Être accompagné vers le mieux-être
Le mieux-être, parlons-en justement. Au début de ce chemin de transformation, le mieux-être est presque considéré comme un gros mot. Comment imaginer aller mieux alors que notre enfant est parti ? C’est un non-sens. On ne veut pas aller mieux, on veut même souvent le rejoindre. Et puis, doucement, on recommence à prendre soin de qui l’on devient. Parce que c’est aussi apprendre à prendre soin du lien qui nous liera éternellement à notre enfant.
Il faut du temps, de la douceur envers soi-même et accepter que ce chemin ne sera pas linéaire. Comme des surfeurs amateurs, nous serons tantôt en haut de la vague, et bien souvent, au début du moins, dans le creux de celle-ci. Mais bien accompagnés, nous ne serons jamais seuls. C’est tout l’intérêt de contacter une association et de rejoindre un groupe de paroles.
L’intérêt aussi, pour l’administration, de mettre en place des structures reposant sur les associations existantes, afin de donner les moyens aux référents deuil de pouvoir accompagner dignement chaque parent. C’est toute une chaîne de solidarité qui doit se mettre en place et qui, à terme, sera un gage pour les parents en deuil, qu’une meilleure réinsertion dans la vie sociale est possible. Autrement, mais plus sûrement.
Le projet Axelle pour mieux accompagner le deuil des parents
Mieux accompagner c’est aussi envisager d’autres possibles, allant au-delà de la simple rencontre avec un psychiatre ou de la prise de médicaments. Je n’ai rien contre, bien sûr, lorsque le deuil devient pathologique. Mais ce n’est pas le cas pour un grand nombre de parents. Réapprendre à prendre soin de soi par l’écoute, les massages, la pratique du yoga, l’acupuncture, la méditation de pleine conscience ou encore l’ostéopathie.
Autrement dit, tout ce qui est aujourd’hui considéré comme médecine alternative et mal, voire pas du tout, remboursé par la sécurité sociale. Et ce, alors même que leurs bienfaits sont reconnus. Mais ces alternatives ont un coût.
C’est pour cette raison que notre association porte le projet Axelle. Une liste de 6 propositions détaillées, regroupées dans un livre blanc, pour concevoir un accompagnement digne des parents endeuillés sur les plans administratif (récupération des certificats de décès pour transmission, informations, permanence administrative ponctuelle), psychologique (envoi d’un courrier de condoléances avec les informations utiles, visite d’un référent deuil tous les 3 mois au domicile) et financier (prise en charge des médecines dites non-conventionnelles sur une durée de 2 ans, à hauteur de 1500 €, suivi avec un référent deuil pour éviter les dérives).
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Cheminer pour notre propre transformation
Le chemin de deuil n’a pas de fin. Il va se modifier et s’adapter au fil de notre propre transformation. Parfois, il sera doux et bordé de fleurs odorantes. Et puis parfois, il sera difficile, brumeux, inaccessible. Il faudra alors prendre le temps de s’arrêter, accepter de ménager ses forces, avant de continuer.
Parents endeuillés, on est tous sur ce chemin, bien plus solidaires que ce que notre société nous laisse envisager. Mais on est aussi seul décisionnaire du chemin que l’on veut emprunter. Un pas après l’autre et chacun à son rythme. Parce que notre mantra, c’est toujours celui-ci : seul on va plus loin, mais ensemble on est plus forts.
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