Ne crois pas mon aimé.e
que tu meurs seul.e
sans geste ni parole
sans cercle de présence
Ne crois pas que ma main
ne puisse frôler la tienne
par-delà les murs
Ne crois pas que ma voix
ne puisse t’atteindre
à travers les cloisons
pour t’encourager
Ne crois pas que ton coeur
ne puisse toucher le mien
dans son plus fragile
avant de le quitter
Il y a un lac en moi
il y a un lac en toi
une fontaine d’amour et de nudité
où libres de nos masques
nous flottons ensemble
encore une fois
Vois-tu, il est entre ceux qui s’aiment
une eau intérieure
que rien ne cloître
et des passages secrets
pour toujours sans barricade
Ne crois pas mon aimé.e
que tu es seul.e
dans ces draps d’hôpital
au seuil de l’autre rive
Je mets à la fenêtre ouverte
mon souffle d’amour
Je confie au vent
la plume de ma tendresse
Je fonds dans la flamme allumée
l’arbre en fleurs de ma gratitude
Je pose au creux du chant
mon indicible chagrin et mon indicible joie
Je ne savais pas mon aimé.e
que cette heure viendrait ainsi
dans une ère si calfeutrée
et c’est une ombre inattendue
sur le territoire des ombres
Je ne sais pas encore
comment vivre cette ombre
j’apprendrai
– mais ne crois pas que tu es seul.e
car au plus près de mon coeur nu
à la source de notre source
je te tiens la main
sans te retenir
Pas de barrières entre nous
mais d’invisibles passages
mais une rivière souterraine
où tes pieds en partance
et mon vif amour
progressent
Je te le dis mon aimé.e
ne crois pas que tu t’en vas seul.e
ne crois pas que nos coeurs
ne puissent s’étreindre
dans cette ultime heure
dans ce fragile instant
N’aie pas peur
nous ne t’abandonnons pas
nous veillons à distance
nous sommes à travers toutes les flammes
nous sommes dans chaque larme de pluie
nous sommes dans chaque chant d’oiseau
Et quand tu seras prêt.e
à passer la rivière
ô mon aimé.e
de tout notre amour
nous lâcherons ta main
et de tout notre amour
nous te confierons tremblants
à l’inconnu
Florence Plissart – Mots pour ceux qui partent