Une forêt cinéraire pour reposer en pleine nature


Du point culminant de la forêt, un hêtre majestueux surplombe ses congénères. Autour de son tronc, une petite feuille de bois tenue par une cordelette, porte le nom d’un petit garçon. Cet enfant, c’est le frère d’Elia Conte-Douette, initiatrice du projet de la première forêt cinéraire de France. Cette experte en développement durable n’a pas eu la chance de connaître son frère, parti trop tôt. « Il fallait que je ritualise » confie-t-elle. « Aller au cimetière me recueillir sur sa tombe était impossible pour moi. J’avais besoin d’un lieu de recueillement où je me sente bien. A force de ne pas le trouver,  je l’ai moi-même créé. » C’est ainsi qu’en mai 2019, elle fonde la société Cime’tree et lance le projet d’une parcelle dédiée aux défunts, dans la forêt de la Fontaine de l’Ours d’Arbas en Haute-Garone.

Si seulement un an et demi après son lancement, le projet fut suspendu par la commune, la forêt a rouvert début juillet 2024.

Une forêt cinéraire pour enterrer les cendres funéraires

Inspirée de modèles allemands, la forêt cinéraire permet d’inhumer des cendres de défunts, au pied d’un arbre, en pleine forêt. Une alternative au cimetière traditionnel et une façon de préserver 40 arbres de l’exploitation sylvicole. En effet, les arbres peuvent s’épanouir tout au long de leur longue vie, sans risquer d’être coupés pour leur bois. 70 personnes de tous âges, en quête de nature et de simplicité, y ont déjà réservé un emplacement. 

Lors de promenades mensuelles organisées par Elia Conte-Douette, ils peuvent choisir le hêtre ou le sapin, sous lequel leurs proches ou eux-mêmes reposeront. 20 défunts ont déjà pu être inhumés en ce lieu.


La préservation de la nature au premier plan

Ici, les urnes en carton sont proscrites. « Elles modifieraient la composition du sol en se dégradant. Le sol de la forêt d’Arbas regorge de galeries souterraines et cet environnement sensible doit être préservé », explique Elia Conte-Douette. Seules des urnes souples en papier biodégradable, vendues par la société Cime’tree, sont autorisées dans cette forêt cinéraire.

« C’est avant tout pour une question de traçabilité, aussi bien pour s’assurer de leur composition que de leur provenance », ajoute t-elle. « Des urnes en bambou venues de l’autre bout de la planète, ce n’est pas très éco-responsable. »

Dans cette forêt, pour marquer les emplacements, la marbrerie est proscrite. Les visiteurs ne se repèrent que par un code couleur sur les arbres, comme sur un sentier de randonnée. Et, une étiquette en bois indique le nom du défunt.

Les arbres lumières pour les enfants disparus : un projet en suspens

Initialement, le hêtre situé en amont de la forêt, accueillait les âmes des jeunes enfants. « Certains parents n’ont pas de lieu pour se recueillir, faute de corps. Nous voulions donner une place à l’enfant disparu » explique la fondatrice de Cime’tree, elle-même dans ce cas avec son frère. Les familles pouvaient alors déposer autour de l’arbre le nom et le prénom de l’enfant écrits avec la date de naissance et de décès sur une feuille en bois. Un acte symbolique fondamental pour les parents endeuillés. Malheureusement, depuis la réouverture, la commune refuse de réhabiliter ce rituel, une décision qu’Elia Conte-Douette conteste. Elle compte bien faire tout son possible pour que cet espace redevienne accessible.


D’autres forêts cinéraires en France ?

L’implantation d’un cimetière en pleine nature ne relève pas de l’évidence. Juriste de formation, Elia Conte-Douette a étudié en profondeur la légalité du projet. En principe, les cimetières doivent être clôturés, or la forêt est un lieu ouvert. Et depuis 2008, la loi interdit la création ou l’extension de cimetières privés.

Pour réaliser son rêve, Elia a dû convaincre la commune d’Arbas d’étendre le cimetière communal à la forêt et nouer un partenariat avec les autorités publiques. D’ailleurs, la société a déposé le terme « forêt cinéraire » afin de créer un label qui garantira la rigueur environnementale des futurs projets à venir. L’avenir de nos défunts repose donc sur la volonté des communes de nous offrir des lieux de recueillement apaisants.

Depuis la création de la forêt cinéraire d’Arbas, une autre a vu le jour à Muttersholtz, en Alsace, et une troisième vient d’ouvrir à Audun-le-Tiche en Moselle. Il y a donc de fortes chances que d’autres fleurissent prochainement.

En France, il existe aussi des cimetières écologiques. Lisez notre article pour en savoir plus 


CimetièreCimetière vertÉcologieUrne
Commentaires ( 4 )
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  • Michel Petit

    Que puis-je faire pour que se développe cette option en France et que cela devienne légal ?

    • Sarah Dumont

      Bonjour Michel

      Pour l’instant, il n’existe pas d’action commune sur ce sujet.
      Mais peut-être pouvez vous vous rapprocher de Elia Conte, qui a créé la première forêt cinéraire.

      Cordialement
      Sarah Dumont

  • L’humusation : une alternative funéraire écologique | Tell me more

    […] En France, seules l’inhumation et la crémation sont autorisées par la loi. Il n’existe pas d’autres pratiques. L’humusation est donc très peu connue, même à l’international. Si bien que le mot ne fait pas encore partie du dictionnaire des outils de traitement de texte comme Word. L’humusation, c’est l’action de transformer le corps du défunt en humus, c’est-à-dire en compost, grâce à l’action combinée des sols, des animaux et des bactéries. L’idée est de déposer le corps à la surface de la terre sur un lit végétal, et le recouvrir de 2m3 de copeaux de bois, de feuilles mortes et autres éléments naturels qui favorisent la décomposition. La dépouille est alors simplement entourée d’un linceul biodégradable. Ainsi en un an, le défunt devient du compost sain et très fertile, dont la famille peut se servir pour faire pousser des plantes, par exemple. Des “jardins” clôturés et protégés seraient dédiés à ce type de funérailles, à l’image des forêts cinéraires. […]

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