Si jusque dans la deuxième moitié du vingtième siècle, la veillée funèbre se faisait traditionnellement à domicile, le simple fait d’y penser est inconcevable pour beaucoup d’entre nous aujourd’hui.
La faute à l’évincement progressif de la mort du cercle familier ces dernières années (écoutez le témoignage de Maïa Mazaurette dans le podcast Traverse), imposant le repos du défunt en chambre mortuaire (espace dédié au défunt et au recueillement dans un établissement de soins – hôpital, clinique, maison de retraite) ou en chambre funéraire (une pièce dédiée au défunt et au recueillement dans une structure commerciale appelée funérarium).
« Il y a des gens qui disent que ça fait arriéré d’organiser une veillée funèbre. Mais c’est avant tout une preuve d’amour ! Pour ma grand-mère, on ne s’est posé aucune question. C’était logique de prendre soin d’elle jusqu’au bout », se souvient Florence, 48 ans.
La veillée funèbre, un rassemblement avant tout
Les quelques jours qui séparent le décès de la sépulture ont une saveur étrange. Ils permettent d’organiser les funérailles et donnent le temps de prendre conscience du départ de l’être aimé. Un petit sas de décompression entre son ancienne existence et sa future absence. Un temps particulier que l’on peut partager auprès du défunt, pour le veiller, l’accompagner.
« Ses proches et ses amis allaient voir ma grand-mère puis revenaient boire le café avec nous. Jour et nuit, mes oncles et tantes, se relayaient pour veiller le corps. Ils restaient des heures à ses côtés et parlaient en sa présence. Ils étaient primordial pour eux de ne pas la laisser seule jusqu’à ce qu’elle parte rejoindre mon grand-père », ajoute Florence.
Si dans la tradition catholique la veillée funèbre permettait d’accompagner l’âme du défunt jusqu’à Dieu, c’est aujourd’hui, avant tout, un moment de rassemblement – auprès du mort et entre vivants. On vient communier avec l’être aimé, là où le temps semble s’arrêter. Le temps d’un dernier adieu, de prononcer ces mots, jamais avoués, de l’embrasser une toute dernière fois.
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Garder le défunt à domicile
Depuis la médicalisation de la fin de vie et la professionnalisation de la mort et de sa prise en charge à la fin du vingtième siècle, les proches du défunt ont été évincés de toutes les étapes des funérailles. Plus aucune famille ne participe à la toilette funéraire, laissant le défunt au personnel habilité, et très peu d’entre elles décident de garder auprès d’elle le défunt.
Alors que nous n’avons plus l’habitude de s’occuper de nos morts, prendre la décision de garder le défunt à domicile est compliqué. C’est devoir faire face à la peur d’une cohabitation trop proche entre mort et vivants, au jugement des autres. C’est également devoir faire place à la familiarisation avec la mort, le mort, et se l’approprier. Un moment qui peut être très mal vécu.
« Je ne garderai jamais un défunt à domicile. Quand mon arrière-grand-mère est morte, j’avais 10 ans et ça m’a complètement traumatisée », confie Luce, 49 ans.
Un accompagnement qui peut être bénéfique
Bien que cela puisse paraître inconcevable aujourd’hui, veiller le défunt à domicile peut être bénéfique. L’aspect majeur d’une telle décision est d’accompagner le défunt jusqu’au bout, de ne pas l’abandonner, d’éviter qu’il soit loin de chez lui, loin de ses proches.
« Pour le décès de ma grand-mère, mon père a pris seul la décision de la garder à domicile. Il n’a jamais admis que son propre père soit placé en chambre mortuaire. Il lui semblait évident qu’un défunt ne doit pas être abandonné », explique Luce, 49 ans.
Veiller le défunt à domicile peut permettre une appropriation toute particulière de cette étape de transition. La liberté y est plus grande, l’évènement beaucoup plus personnel et intime. Si vous avez besoin d’être accompagnée pour veiller votre défunt, vous pouvez demander l’aide d’une doula de fin de vie.
« Si ma grand-mère était restée dans un funérarium, je n’y aurais pas passé trois jours. Chez elle, j’ai pu dormir juste à côté », ajoute Florence.
L’aspect financier peut également faire pencher la balance
Si le défunt est décédé à domicile et qu’il y reste, la famille sera exonéré de frais de transport. Si le décès a eu lieu en EPHAD ou à l’hôpital, la famille devra s’affranchir des frais de transport jusqu’à la maison, mais ne paiera pas la location de la chambre funéraire qui représente en moyenne une centaine d’euros par jour. La chambre mortuaire, en revanche, est gratuite les trois premiers jours suivant le décès.
Il faut aussi avoir en tête qu’une veillée à domicile nécessite d’accueillir ceux qui souhaitent se recueillir. Certes, cela peut apporter un réel sentiment d’accompagnement et de soutien, et éviter de vivre seul ce moment douloureux. Mais cela demande aussi de l’énergie et une certaine disponibilité d’esprit…
Veillée funèbre à domicile, techniquement, comment faire ?
Le maintien du corps à domicile implique de nombreuses règles à respecter pour la bonne conservation du corps. Les voici :
- Coucher le défunt sur un lit protégé (par une toile cirée ou une alaise) tout en lui relevant la tête grâce à un oreiller ;
- Fermer portes, volets et fenêtres, puis tirer les rideaux afin d’empêcher les courants d’air et obtenir l’obscurité ;
- Éteindre le chauffage et n’allumer les lumières qu’au minimum ;
- Allumer en revanche des bougies qui consommeront l’oxygène de la pièce (qui favorise la dégradation du corps), et si souhaité du « papier d’Arménie ».
Si de nombreuses pompes funèbres conseilleront la réalisation de soins de conservation, cela n’a rien d’obligatoire ! Le corps peut tout à fait être conservé simplement grâce au froid (sauf si l’état du corps le contre-indique) :
- Soit grâce à la glace carbonique (ou carboglace), qui est la technique la plus utilisée pour la conservation au domicile et surtout la plus écologique. Le principe est de placer de la glace carbonique sur différentes parties du corps qui gèle à son contact, ce qui rendra cependant le défunt très froid au toucher.
- Sinon grâce à l‘utilisation d’équipements réfrigérants (lit ou rampe). Le défunt qui reposera dessus, sera là encore particulièrement froid au toucher, mais ce procédé reste naturel. Ces équipements peuvent être loués à la famille lorsque le repos à domicile a été choisi. C’est généralement le type d’équipement que l’on retrouve en chambres funéraires et mortuaires.
Laissez vous le temps de la réflexion
Si vous hésitez à garder vos défunts à domicile, Florence vous confiera que « même si l’on garde quelqu’un à domicile, on n’est pas obligé d’aller le voir. Ce n’est pas une obligation ».
Luce, elle, très marquée par cette expérience invite à s’interroger sur le fait de devoir vivre dans la maison après. Enfin, ce qui compte aussi, c’est de respecter les volontés du défunt, et d’en discuter bien avant avec lui et ses proches.