Son métier ? Vider la maison de nos défunts


“Lorsque l’on a la mission de vider la maison d’un proche suite à son décès, choisir ce que l’on garde ou pas est un arrache- cœur. Chaque objet revêt un caractère sentimental et il devient difficile de s’en séparer. On n’est plus en capacité de prendre du recul et voir l’objet pour ce qu’il est.” Eugénia Amo le sait, car elle en a fait l’expérience. Entre 2011 et 2014, elle perd coup sur coup plusieurs personnes de son entourage, et à chaque fois, on lui attribue la tâche de vider leurs maisons remplies de souvenirs. “J’avais le sentiment de faire vite et mal. J’aurais aimé que quelqu’un vienne et m’aide à optimiser, confie-t-elle.

En 2016, elle quitte son poste au sein des Ressources Humaines d’une ONG pour créer un service de vide maison après-décès, baptisé Espace Blanc.

Vider la maison d’un défunt : un deuxième deuil

“Lorsque j’interviens, mes clients ont entamé leur processus de deuil. La plupart du temps, ils ont déjà vendu la maison en question. J’arrive à un moment où ils entament un deuxième deuil, une période douloureuse où ils doivent se séparer des affaires de leur proche.” D’ailleurs, les familles ne participent généralement pas au vide maison. “C’est compliqué pour eux de rentrer dans les placards et les armoires. Ils préfèrent confier cette lourde tâche à une personne extérieure.” Seule, Eugénia peut agir plus vite. Elle n’a pas à craindre d’heurter les proches du défunt qui eux sont dans l’attachement émotionnel des objets.


Des pastilles pour conserver les objets

Avant chaque intervention, Eugénia rencontre les familles en deuil pour cerner leurs attentes. “Je les questionne sur ce qu’ils souhaitent garder en amont.” Parfois, les rendez-vous durent une journée entière. “On ne se voit qu’une fois donc ces discussions sont importantes et je dois laisser à chacun le temps nécessaire à la réflexion.” Pour éviter les erreurs, elle a un système bien rodé. Eugénia attribue une pastille de couleur à chaque membre de la famille. “Ils mettent les pastilles sur les objets qu’ils souhaitent conserver afin que je détermine lors du tri, à qui les objets seront remis.”

La valorisation des biens

Quant aux objets sans propriétaire, c’est à Eugénia de décider de leur sort. Les biens qui sont susceptibles d’être valorisés partent en salle des ventes, grâce à un contrat signé entre le commissaire priseur et la famille. Pour garantir l’efficacité et la qualité de cette valorisation, Eugénia fait appel à son réseau de partenaires. “Je suis certaine de leur honnêteté et cela m’assure que les biens seront estimés à leur juste valeur.” 

Les affaires qui ne pourront pas être vendues, comme les outils de cuisine et les linges de maison, sont destinés à des associations humanitaires. Le reste est trié et recyclé. Si la famille le souhaite, Eugénia propose enfin une prestation de ménage. “L’idée est de rendre le logement nickel, prêt à être aménagé par une autre famille.” 


Un métier aux rencontres marquantes

“A chaque fois, j’ai l’impression de devenir un membre de la famille à part enière, puis lorsque j’ai terminé, je redeviens une étrangère”, nous confie Eugénia. Son activité de vide maison la plonge dans l’intimité des familles. “Je rencontre des gens de tous milieux, de tous horizons et métiers et aux vies bien différentes. En vidant le logement d’un déporté, j’ai eu l’impression d’entrer dans un moment d’histoire. Cette expérience restera gravée dans sa mémoire. “J’ai discuté pendant des heures avec le fils qui m’a expliqué avoir découvert que son père faisait partie d’une association de déportés seulement peu de temps avant sa mort.” Elle se souvient également de ce père faisant partie de l’armée de l’air. Eugenia avait proposé à ses enfants de garder un souvenir de ses uniformes en créant une boîte à partir de ses galons.

Après ce moment de partage intense, le contact se rompt très naturellement. Ni les familles, ni Eugénia ne reprennent contact.

Son autre mission : vider la maison des vivants prévoyants

Eugénia rencontre également des personnes désireuses de vider leur maison en vue d’organiser leur départ. Ce sont généralement des personnes très âgées, qui partent en maison de retraite. “C’est un bonheur de travailler avec des personnes plus âgées. Ils ont un recul sur la vie et une positivité qui me fait du bien.” Avec eux, elle utilise le même fonctionnement de pastilles. Les biens qu’ils garderont serviront à décorer la chambre de leur maison de retraite. “Avec moi, ils préparent leur dernière maison Les autres sont souvent remis à leurs proches.

“Finalement, ce que je retiens vraiment de mon métier, c’est le partage et les émotions. Et puis, je découvre à chaque fois des objets canons et j’adore ça !”

N’hésitez pas à contacter Eugénia via son site internet Espace Blanc. 

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